Savoura: des équipements inappropriés et dangereux

Les équipements que possédaient Savoura au moment où les serres ont commencé à brûler du biogaz étaient «inappropriés et non sécuritaires.»


C'est du moins l'opinion émise hier par l'ingénieur Michel Ruel, un des témoins experts retenus par la Régie de gestion des matières résiduelles de la Mauricie dans le procès qui l'oppose actuellement aux Serres du Saint-Laurent.

Spécialiste en contrôle de procédés, auteur de plusieurs ouvrages et d'une cinquantaine d'articles scientifiques, cet ingénieur, qui a enseigné à la NASA, est un expert dans l'arrimage de systèmes comme ceux de la Régie et de Savoura.



Dans ce cas-ci, M. Ruel avait reçu un mandat de la part de Me André Lemay afin d'examiner en arbitrage, avec un autre expert, Alain Roy, pourquoi deux procédés sommes toutes relativement simples ne sont pas arrivés à fonctionner ensemble.

La tableau peint par l'ingénieur Ruel au juge Edouard Martin, hier, fut on ne peut plus clair.

«Les brûleurs des Serres du Saint-Laurent (c'est-à-dire les équipements que l'entreprise possédait en 2007) sont faits pour le gaz naturel, mais ne sont pas appropriés ni même sécuritaires pour brûler du biogaz», a pu constater M. Ruel qui fut questionné hier par Me Lahbib Chetaibi du cabinet de Tremblay, Bois, Mignault, Lemay.

Savoura n'avait pas non plus embauché les bonnes personnes pour réaliser le démarrage du système de combustion, analyse M. Ruel. «Ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient. C'était dangereux ce qu'ils faisaient», dit-il, en ajoutant que ces personnes n'étaient pas des spécialistes du brûlage.



L'ingénieur a pu constater que Savoura ne disposait d'aucun cadran indicateur pour observer les mesures de pression, la concentration du méthane et le débit du biogaz qui arrivait dans ses installations. Il n'y avait non plus aucune donnée informatisée.

M. Ruel raconte que les premiers essais de brûlage ont d'ailleurs donné lieu à une série d'explosions, dont deux qu'il juge importantes au point où il s'est senti dans l'obligation morale d'écrire une lettre à Savoura, après le seconde explosion, pour demander que cesse le brûlage.

Selon lui, une pièce d'équipement absolument indispensable, le BMS (burn management system ou système de gestion de la combustion) était défectueux. «Je leur ai dit que leur BMS n'était pas bon», raconte-t-il.

Le 27 février 2009, jusqu'au 4 septembre suivant, d'ailleurs, la Régie du bâtiment du Québec a interdit le brûlage du biogaz chez Savoura. Pendant ce temps, raconte l'ingénieur, Savoura a procédé à l'amélioration de ses équipements. Le 05 octobre 2009, le brûlage a finalement repris. «À la mi-octobre, ça livre du biogaz et ça brûle du biogaz», a raconté M. Ruel.

Tout ce qui a changé finalement, a précisé le témoin expert, ce sont les modifications apportées aux équipements de la serre. «On a le même biogaz, on a de nouveaux équipements chez Savoura et ça collabore mieux», a-t-il fait valoir.

Selon l'ingénieur, il était impensable qu'un démarrage du brûlage comme celui-là se fasse du jour au lendemain.



Pour avoir connu d'autres cas du même genre, M. Ruel affirme que «c'était trop optimiste de penser faire ça en quelques semaines. D'habitude, ça prend des mois et des années», a-t-il précisé à la cour.

La journée d'hier marquait donc le début d'un débat d'experts sur la question du brûlage, de la qualité du biogaz et de la capacité du champ gazier de la Régie.

L'ingénieur civil Hubert Bourque, un expert en exploitation de champs gaziers, a témoigné pour la Régie, hier, que les cellules d'enfouissement du lieu d'enfouissement technique de Saint-Étienne-des-Grès contiennent suffisamment de biogaz pour alimenter Savoura à l'année.

Selon lui, la Régie capte en effet 6 millions de mètres cubes de méthane par année alors que les besoins estimés de Savoura pour 2009 étaient de 3,7 millions de mètres cubes, une information qu'a toutefois tenté de contredire la poursuite.