Le procès de Bellemare se tiendra à Québec

L'image rebelle qui, jadis, servait bien Roger Bellemare vient le hanter et le met à risque, estime le juge Gagnon.

Le procès de l'ex-criminaliste trifluvien Roger Bellemare s'instruira finalement à Québec à compter de la fin du mois d'août 2010. Le juge Claude C. Gagnon de la Cour supérieure a ainsi donné suite à la requête présentée par le procureur de l'accusé, Me Marc Labelle, qui avait plaidé l'importante médiatisation entourant l'arrestation et la mise en accusation de son client depuis 2006.


Cette décision et quelques autres rendues hier concluent une saga qui a débuté en 2006 lorsque Roger Bellemare a été accusé de complot et de trafic de cocaïne.

«L'arrestation de ce personnage connu et coloré pour trafic de drogue n'échappe donc pas au regard attentif des médias qui en font, bien évidemment leur manchette du jour», écrit le juge en ajoutant que «chaque présence à la cour de l'avocat que l'on associe aux Hells Angels jouit d'une couverture abondante de la part des journalistes».



Le juge Gagnon dira encore que Roger Bellemare est «un homme au style de vie flamboyant, qui s'affiche avec des gens criminalisés, échevin controversé et criminaliste populaire, parfois trop près de ses clients».

Et le magistrat d'ajouter que «Roger Bellemare médiatise ses causes et n'hésite pas à se servir des journaux, de la radio et de la télévision de la Mauricie pour mousser sa réputation».

Le juge mentionne par ailleurs que Roger Bellemare «a projeté, aux yeux des médias locaux et du public, une image de lui-même associée étroitement au milieu criminel et, plus particulièrement à celui du trafic de drogue à Trois-Rivières, en s'affichant volontairement comme étant l'avocat des Hells Angels...et suscitant lui-même la publicité autour des causes qu'il plaide devant les tribunaux».

«Maintenant qu'il est lui-même accusé de trafic de cocaïne, cette image rebelle, qui jadis le servait bien, vient le hanter et le met à risque», souligne le juge Gagnon qui conclut que la tenue d'un procès à Trois-Rivières risquerait de nuire à l'accusé pour l'obtention d'un procès juste et équitable devant un jury impartial.



Roger Bellemare devra se présenter le 31 mai au palais de justice de Québec pour la détermination des dates du procès. L'affaire devrait s'instruire à partir de la fin du mois d'août. D'ici là, Me Marc Labelle, le procureur de l'accusé, devrait s'être remis d'un infarctus subi il y a quelques semaines.

Plus de quatre ans

Le procès de Roger Bellemare se tiendra plus de quatre ans après son arrestation en avril 2006. D'abord représenté par Me Jacques Larochelle de Québec, Roger Bellemare a finalement choisi Me Marc Labelle pour le défendre lors du procès.

Cette affaire a été marquée par toutes sortes de procédures mais l'arrivée du juge Claude C. Gagnon qui entendra ce dossier a permis d'accélérer le processus et de déterminer un échéancier réaliste.

La durée prévue du procès devant jury sera d'au moins trois mois. On pense même qu'il pourra s'étendre jusqu'à la fin de 2010.

 



Preuve acceptée

L'essentiel de la preuve dans le dossier de Roger Bellemare repose sur de l'écoute électronique. Au cours des dernières semaines, le procureur de l'accusé, Me Marc Labelle, auquel s'étaient joints les avocats de Serge Bouffard et Serge Pollard, deux coaccusés, la recevabilité a été très longuement débattue. Une ordonnance de non publication nous interdit toutefois de dévoiler la teneur des discussions.

Les avocats de la défense croyaient avoir trouvé les bons arguments pour convaincre le juge Claude C. Gagnon de rejeter cette preuve. Mais au terme de son analyse en droit, le magistrat conclut que l'écoute électronique est conforme à ce qu'a prévu le législateur et que «la perquisition ou saisie exécutée par les forces de l'ordre n'est ni abusive ni déraisonnable. De la même manière, le juge Gagnon estime que le droit garanti à l'article 8 (protection contre les fouilles, les perquisitions et saisies abusives) n'a pas été enfreint.

Procès séparés

Par ailleurs, les coaccusés Serge Pollard et Serge Bouffard auront droit à un procès séparé de celui de Roger Bellemare. Le juge Gagnon a été convaincu des arguments soumis par Me Johanne Saint-Gelais (Serge Pollard) et Me Gilles Doré (Serge Bouffard) qui avaient plaidé le fait que les parties de preuve concernant leurs clients ne justifiaient pas qu'ils soient astreints à de longues semaines de procès et qu'ils doivent assumer des coûts importants.

«...Serge Bouffard et Serge Pollard ont mis en évidence le préjudice qu'ils risquent de subir lors d'un procès long et complexe, dans lequel la preuve qui les implique directement est simple et peut facilement être administrée en peu de temps, de façon tout à fait efficace», précise le juge Gagnon en ajoutant qu'il faut éliminer tout ce qui «complexifie inutilement le débat judiciaire». «L'histoire récente, dit le juge, foisonne d'exemples récents qui démontrent qu'il est inopportun d'en demander trop à un jury.» Pour éviter un préjudice irréparable, les deux accusés auront un procès séparé dont la date sera choisie lors des assises du printemps le 12 avril. Le juge Gagnon a demandé aux parties de libérer leurs agendas pour trouver du temps au cours des mois de mai ou juin

Yves Labonne

Yves Labonne, un autre homme qui était coaccusé dans la présente affaire, avait déjà réglé son dossier en avril 2008 alors que le juge Claude C. Gagnon l'avait condamné à quatre ans de pénitencier pour le trafic d'un kilo de cocaïne. Toutefois, en raison du temps de détention provisoire qu'il avait purgé depuis avril 2006, sa peine concrète en fut une de neuf mois de prison.