«Joannie, c'est une battante, c'est pas une lâcheuse!», assure Claudette Riquier, dont la fille Nathalie a été le premier entraîneur de Joannie, de ses débuts à trois ans jusqu'à ses premiers championnats canadiens, à 13 ans. Même après son départ pour Trois-Rivières et son association avec l'entraîneure Manon Perron, Nathalie Riquier est toujours restée proche de Rochette, et de sa famille.
«Elle allait la voir patiner à tous les mercredis à Brossard avec Thérèse (la mère de Joannie). Elles étaient très proches, reprend Mme Riquier. Quand Thérèse est morte, ma fille m'a dit qu'elle perdait sa chum et sa mère en même temps.»
Nathalie Riquier est d'ailleurs à Vancouver en ce moment, aux côtés de Joannie et de sa famille. Dans les heures suivant le décès de sa mère, alors qu'elle se demandait si elle devait poursuivre la compétition, Joannie s'est tournée vers son premier entraîneur.
«Elle a demandé à ma fille quelle décision elle devrait prendre, raconte sa mère, la voix empreinte d'émotion. Ma fille lui a dit: «Tu le sais. Tu vas le faire pour ta mère». On n'aurait jamais pensé vivre ça. Le rêve de Joannie...» La phrase reste incomplète, l'espoir en suspens.
Ces qualités de battantes, Joannie Rochette les a démontrées assez tôt, selon Nicole Grégoire, qui était présidente du club de patinage artistique de Berthierville, à ses débuts. «J'ai vu ses débuts, et ça n'a pas été long pour voir qu'elle avait du potentiel, raconte-t-elle. À cet âge-là, c'est tout de même trop tôt pour savoir qu'elle irait aussi loin, sauf qu'elle était très travaillante, plus que d'autres.»
Comme plusieurs, Mme Grégoire estimait que la patineuse parviendrait à surmonter son chagrin pour livrer une bonne performance. «Dans ces moments-là, on a des forces inattendues, estime-t-elle. C'est plus tard que tu réalises qu'il y a un grand silence.»
Un aréna à son nom
À l'occasion des Jeux olympiques, l'organisateur de la soirée d'hier, Alain Bellehumeur, qui est aussi directeur général du Musée Gilles-Villeneuve, avait décidé de consacrer un espace à Joannie Rochette dans le hall du musée.
«Nous avons ses premiers patins, ses petites robes, ses premiers trophées, raconte-t-il. Ça me fait drôle parce que c'est Thérèse, la mère de Joannie, qui m'avait apporté tous ces objets-là. Après les Jeux, je vais les remettre à Joannie, ou à son père Normand. Ça va être particulier... Thérèse était la plus grande fan de Joannie; sa fierté était contagieuse et nous tous ici, dans la communauté, nous avons embarqué dans le sillon que Thérèse a creusé.»
Le mois dernier, Berthierville a décidé de baptiser son aréna du nom de sa patineuse étoile. «L'idée est venue de Nathalie (Riquier), reprend M. Bellehumeur. Le projet date de plusieurs mois, et nous l'avons remis sur les rails après les élections municipales. Il a été accepté au conseil le mois dernier. Ça n'a aucun lien avec le décès de la mère de Joannie. Après Gilles Villeneuve, nous avons maintenant un deuxième personnage qui nous honore. Joannie a grandi dans cet aréna-là, et nous voulions honorer son courage et sa détermination. C'est devenu encore plus vrai avec les événements des derniers jours», conclut-il.
«Ce qui me fait peur, c'est quand elle va sauter sur la glace, anticipait Mme Riquier. C'est certain qu'elle va avoir une grosse ovation; peut-être que ça va la booster. Mais peu importe ce qui arrive, Joannie va rester notre championne à nous autres.»
La vidéo fait du chemin
La vidéo d'appui à la patineuse artistique Joannie Rochette, produite par la direction, les entraîneurs, les enseignants et les élèves de l'Académie les Estacades et son programme Sports-Études, a fait beaucoup de chemin en une journée.
Hier, la coordonnatrice du programme Sports-Études, Luce Mongrain, avoue avoir été très sollicitée par plusieurs parents qui souhaitaient saluer l'initiative, mais aussi de nombreux médias régionaux et nationaux qui ont voulu faire un clin d'oeil à cet effort collectif.
«Ça n'a pas arrêté aujourd'hui. Ce n'était pas l'objectif premier de faire cette vidéo. Nous, nous la faisions pour Joannie, pas pour faire parler de nous. Mais à partir du moment où ce message a bien été compris, je crois que les médias ont traité notre initiative avec respect», signale Mme Mongrain, qui a même été sollicitée par la télévision anglophone de Radio-Canada à Montréal et Toronto.
«Les enfants qui y ont participé, je crois, ont grandi là-dedans. Plusieurs d'entre eux n'ont jamais vraiment vécu ce qu'est un deuil. Mais en leur montrant comment apporter leur contribution à une personne qui est un modèle pour eux et qui est dans le besoin, je crois qu'on les a fait grandir», ajoute Mme Mongrain.
Mais la principale intéressée, Joannie Rochette, a-t-elle vu la vidéo qui lui était destinée? «Je ne crois pas, et c'est très bien comme ça. Présentement, je crois qu'elle se tient dans sa bulle, à l'écart de toute distraction, et il faut respecter ça. Elle aura certainement l'occasion de voir tous les messages d'encouragement qui lui ont été destinés lorsque sa performance sera terminée», croit Luce Mongrain.