Deux ans plus tard, un moratoire du ministère des Transports empêchant la circulation des véhicules dont la conduite s'effectue à droite est plutôt venu transformer l'aventure en un véritable cauchemar.
«Ils nous ont coupé les deux jambes. Maintenant, on est pris avec ça et on ne peut plus rien faire», lancent les deux propriétaires de l'entreprise Importation ecoboat du secteur Saint-Georges-de-Champlain.
Il s'agit du principal détaillant québécois de ce que l'on appelle les «Kei trucks», ces mini camions à quatre roues motrices transportés de l'Asie vers l'Amérique du Nord. À l'heure actuelle, quelque 400Québécois conduiraient des véhicules du genre, qualifiés de pratiques, économiques et écologiques.
Or, le hic, c'est que ces camions se conduisent de façon inversée, ce que le MTQ a décidé d'interdire temporairement à l'aide d'un arrêté ministériel signé en avril 2009. Six mois plus tard, Québec revenait à la charge et prolongeait la période d'interdiction jusqu'à avril 2010.
Ce fut le coup de grâce pour le couple shawiniganais.
«Nous, juste avant le premier moratoire, on venait de faire une commande auprès de nos fournisseurs japonais. Jamais personne ne nous a avisés que ça s'en venait. On avait 500000$ de stock en route et on a dû tout liquider. Il fallait s'en débarrasser», raconte Ronny Bourbeau, qui ne comprend toujours pas la décision des instances gouvernementales.
Depuis, les ventes se limitent aux véhicules hors-route. Les compétiteurs de l'entreprise shawiniganaise ont presque tous fermé leurs portes, incapables de survivre dans un marché aussi restreint.
Des démarches vaines
Depuis plus d'un an, les deux complices tentent par tous les moyens de convaincre tant le ministère que la Société de l'assurance automobile du Québec du mal-fondé de cette décision.
«Actuellement, on subit un énorme préjudice financier. Mais on est pas les seuls, les propriétaires aussi sont victimes de tout ça», se désole Marlène Bonneville, qui évalue les pertes à plusieurs dizaines de milliers de dollars.
L'entreprise vient tout juste de déposer un mémoire sur la question auprès de Transport Québec. Un entretien a eu lieu avec la SAAQ, en décembre.
Et on tente depuis des mois d'obtenir une rencontre avec la ministre Julie Boulet, aussi députée de la Laviolette, là même où se situe Importation ecoboat. Mais cette démarche est demeurée vaine jusqu'à maintenant.
«On est fâché après la SAAQ, parce que c'est elle qui a un pouvoir de recommandation. Et on est fâché après MmeBoulet, parce qu'elle ne se donne pas la peine d'aller plus loin pour trouver un terrain d'entente», expliquent les propriétaires.
Une question de sécurité
À en croire l'arrêté ministériel, c'est la question de la sécurité qui a poussé Québec à intervenir.
«Certains véhicules légers importés du Japon n'étaient soumis à aucun essai de collision avant le 1eroctobre 1998. À ce titre, ils n'offrent pas le niveau de sécurité minimal pour circuler sans restriction sur le réseau routier», y explique-t-on.
Cet argument ne tient pas la route, selon Ronny Bourbeau. «Ces camions-là sont exportés partout, dans plusieurs autres pays. Même Transport Canada nous laisse les entrer ici. C'est au Québec, le problème», dit-il.
«Je pense que c'est administratif comme décision. Ils voulaient empêcher l'importation de véhicules sports qui étaient dangereux. Ils n'ont pas voulu analyser nos véhicules», enchaîne ensuite sa partenaire.
Jamais trop tard
Aux yeux de ces propriétaires, il n'est toujours pas trop tard dans le dossier. Selon eux, si Québec réagit rapidement, leur entreprise pourrait être sauvée.
En ce sens, ils formulent deux demandes concrètes à la ministre Boulet.
«Ce qu'on demande, c'est que le droit de circuler soit redonné aux propriétaires actuels. C'est la première chose. Mais aussi que nos véhicules soient exemptés de la réglementation», insistent-ils.
Québec devrait se pencher à nouveau sur la question en avril, à l'expiration de la période d'interdiction.
Les propriétaires d'Importation ecoboat craignent toutefois que cette directive soit intégrée au projet de loi 71, ce qui compromettrait à long terme la présence de ces véhicules sur les routes québécoises.