Ginette Gauvreau retourne en Haïti le corps fatigué, certes, mais l'âme un peu plus en paix. La Trifluvienne se dit transportée par une force insoupçonnée pour affronter de nouveau une réalité indescriptible.
En même temps qu'Ottawa annonçait, mercredi, qu'il allait accélérer le processus d'adoption pour les orphelins d'Haïti dont le dossier était suffisamment avancé, Mme Gauvreau recevait un message du Secrétariat à l'adoption internationale lui disant de se tenir prête.
«J'ai reçu un courriel sur lequel est écrit: «Appel et départ imminents. Préparez-vous», dit celle qui s'attendait de voyager avec l'armée canadienne.
«On est à compléter le matériel nécessaire. Il faut prévoir les sièges d'auto dans l'avion, des vêtements chauds, de la nourriture, etc.», a-t-elle énuméré lors du passage du Nouvelliste à la résidence de Ginette Gauvreau.
Sa valise était bouclée depuis la veille déjà. Dans un deuxième sac, la dame avait pris soin de glisser quelques pyjamas pour les poupons, des préparations de lait maternisé en poudre et des suçons pour rendre le périple des tout-petits plus agréable.
Elles sont huit personnes de l'organisme Soleil des nations à prendre la direction d'Haïti.
«Ce sont des gens dont on est sûr qu'ils sont capables de voyager sans paniquer, qu'ils vont garder leur sang froid quoi qu'il arrive et peu importe ce qu'ils vont voir, qu'ils vont accomplir cette mission de rapatrier ces enfants-là», ajoute-t-elle dans un même souffle.
Une fois sur place, la responsable des adoptions pour l'organisme Soleil des nations se donne 24 heures pour réunir et rapatrier au Québec les 42 enfants promis à des couples pour qui l'attente des derniers jours est à la limite du supportable.
Ils ont d'ailleurs rendez-vous, cet après-midi, à Montréal, avec la ministre déléguée aux Services sociaux, Lise Thériault. Ils ont été informés de la tenue de cette rencontre, hier, en fin de journée. On ne leur a pas précisé cependant le but de cette soudaine requête de la ministre.
Plusieurs de ces couples ont cru que le terrible tremblement de terre de la semaine dernière venait d'anéantir leur projet de fonder ou d'agrandir leur famille avec un enfant venu d'Haïti, un orphelin qui leur était destiné depuis trop longtemps. On parle souvent d'une attente qui s'étire sur des années.
«Tout le monde rentre!», assure Mme Gauvreau avant de préciser que si tout se déroule comme prévu, elle reviendra en fin de semaine entourée de 42 bambins âgés entre 4 mois et 5 ans.
Plusieurs mois avant le séisme qui a plongé Haïti dans le chaos le plus complet, elle avait annoncé son départ à la retraite.
«Je pleurais quand je suis partie d'Haïti. Je me disais que j'avais travaillé trente ans à construire beaucoup de choses dans les orphelinats et là, je rentrais en laissant des enfants en arrière, sans aide», raconte avec émotion Mme Gauvreau.
La Trifluvienne est aujourd'hui rassurée d'aller chercher elle-même ses tout-petits qui sont répartis dans trois crèches (Enfant-Jésus, le Foyer d'Espoir et le Foyer du Sion).
«Je sais que lorsque je vais arriver dans les orphelinats, les enfants vont dire: «C'est maman Ginette qui arrive!», ajoute-t-elle en souriant.
Elle sait aussi, malheureusement, que ses protégés auront faim, qu'ils vivent depuis dix jours dans des conditions plus que précaires.
«J'ai de nouveau la sensation de les sauver, mais différemment des autres fois. Avant, je trouvais des familles pour eux et je les sortais de la misère, mais là, j'y vais pour les chercher, les confier à leur famille et pour leur sauver la vie. Je suis prête à courir certains risques», laisse tomber Ginette Gauvreau.
Elle avoue que la force instinctive des orphelins haïtiens l'inspire dans cette expédition qui pourrait s'avérer la dernière, pour elle, en Haïti.
«Je suis certaine que tout va bien se passer. Je pars super positive», soutient-elle avec enthousiasme.