«C'était un spécialiste de la falsification»

L'agriculteur Michael Mathis de Bécancour a été fraudé par Kevin Gosselin-Robitaille.

Spécialiste de l'arnaque, voleur et menteur, voilà quelques-uns des qualificatifs qu'emploie Michael Mathis, une des présumées victimes de Kevin Gosselin-Robitaille, pour décrire celui qui l'a fraudé pour 700 000 $.


Le moins que l'on puisse dire, c'est que le jeune homme de 24 ans qui a été accusé de fraudes totalisant environ trois millions de dollars plus tôt cette semaine en a fait voir de toutes les couleurs à l'homme d'affaires de Bécancour qui possède deux entreprises oeuvrant dans le domaine agricole. Voyage en Europe au cours duquel les invités logeaient dans un hôtel luxueux, histoire de cadeaux provenant de George W. Bush et insinuations concernant de possibles liens avec Stephen Harper, Jean Chrétien et des familles très influentes du Québec, le présumé fraudeur a tout mis en oeuvre afin d'amadouer M. Mathis. Le jeune homme de Notre-Dame-du-Mont-Carmel qui se présentait comme un fonctionnaire influent du gouvernement fédéral utilisait également de faux contrats portant l'entête du gouvernement du Canada afin convaincre ses victimes de lui faire confiance. L'agriculteur croyait donc que le jeune homme était vraiment en mesure de l'aider à obtenir des subventions pouvant aider ses entreprises à prendre de l'expansion dans l'Ouest du pays.

«C'était un spécialiste de la falsification. Tout était falsifié. Il y avait tout un magouillage en arrière de ça. C'était vraiment bien fait. Il travaillait de la même manière que la Caisse populaire avec des papiers officiels. Je pense qu'il n'opérait pas seul», mentionne l'agriculteur.



M. Mathis a d'ailleurs eu de gros doutes à plusieurs reprises sur la véracité des propos du présumé fraudeur. Mais chaque fois, les explications du grand-père de ce dernier, en qui l'homme d'affaires de Bécancour avait pleine confiance, l'ont convaincu que le jeune homme n'était pas un imposteur.

«J'avais un lien de confiance avec son grand-père. Je le connais depuis mon arrivée au Canada. Si je ne l'avais pas connu, jamais je n'aurais embarqué là-dedans. Bien que j'avais des doutes au début, il me disait qu'il le connaissait bien et qu'il savait ce qu'il faisait. C'est pour ça que c'est allé aussi loin», a raconté l'homme originaire de la Suisse qui vit au Québec depuis 1981.

Bien qu'il lui faisait assez confiance au début afin de lui confier une importante somme d'argent, M. Mathis a rapidement compris qu'il avait affaire à un fraudeur. Et lorsqu'il a compris son petit jeu, le jeune homme est allé jusqu'à le menacer de mort.

«C'est grave quand ça arrive. Je me suis confié à un de mes amis et nous avons décidé d'aller plus loin. Je suis allé voir un avocat et la police. Ce fut une période très difficile. Mais lorsque j'ai été certain que c'était juste une balloune, la peur s'est effacée. Ça a été difficile financièrement, mais c'est surtout la santé qui a pris un coup», raconte l'homme d'affaires.



D'autres victimes

M. Mathis va également jusqu'à dire que Gosselin-Robitaille aurait fait d'autres victimes que lui-même et le couple de Richmond en Estrie, qui a été fraudé pour 2,2 millions de dollars. Plusieurs d'entre elles vivraient d'ailleurs dans la région.

«Il y a d'autres millions, d'autres victimes qui n'ont pas voulu collaborer à l'enquête. Je ne peux pas dire pourquoi ils n'ont pas collaboré. Ça ne me regarde pas. Moi, je n'ai rien à ne me reprocher. C'est le temps d'arrêter cette hémorragie avant qu'il fasse d'autres victimes», avance M. Mathis.

Contrairement à ce qui était prévu, l'enquête sur remise en liberté de l'accusé n'a pas eu lieu hier. Ce dernier restera donc détenu au moins jusqu'à lundi.

Il a versé 10 000 $ au comité des Fêtes du 150e de Notre-Dame-du-Mont-Carmel



En plus de lui avoir permis de vivre comme un prince, l'argent qu'aurait obtenu frauduleusement Kevin Gosselin-Robitaille a peut-être également servi à organiser les Fêtes du 150e anniversaire de Notre-Dame-du-Mont-Carmel. Le jeune homme a en effet fait un don de 10 000 $ comptant aux organisateurs des célébrations qui se sont déroulés tout au long de l'année 2009.

Le trésorier du comité des Fêtes a confirmé que l'homme de 24 ans avait donné cette somme d'argent par l'entremise de la firme Gestion KGR, dont il est président. Le logo de cette firme, qui n'est d'ailleurs pas listée au registre des entreprises du Québec, se retrouve bien en vue sur le site Internet des Fêtes auprès de ceux des autres partenaires.

La présidente du comité des Fêtes, Pierrette Bédard, a confié au Nouvelliste qu'elle était un peu mal à l'aise avec le fait que ce donateur ait été formellement accusé de fraudes.

«On ne sait pas trop comment réagir. Il nous avait dit qu'il avait une compagnie. Nous n'avions donc pas fait de cas. Mais maintenant que l'on voit ça, je ne sais pas ce que ça va faire», a-t-elle laissé tomber.

L'implication de Gosselin-Robitaille dans sa communauté ne se limite pas à ce don. Il est également membre de l'escouade des pompiers de la petite localité. C'est d'ailleurs son père, Pierre Robitaille, qui agit à titre de directeur du service des incendies. Joint au téléphone, le maire de Notre-Dame-du-Mont-Carmel, Pierre Bouchard, n'a pas voulu faire de commentaire sur cette histoire.

«On est en train de regarder les mesures à prendre dans ce dossier-là», a simplement indiqué le premier magistrat.