Les universités n'échappent pas au plagiat

Sylvain Delisle, doyen des Études de premier cycle à l'UQTR et président du Comité de discipline du premier cycle, et Johanne Rocheleau, directrice du soutien pédagogique et technologique.

Plagieurs, bricoleurs, tricheurs, manipulateurs, fraudeurs. Non, nous ne sommes pas ici dans un nouveau scandale financier, mais plutôt dans une triste réalité sociale avec laquelle doivent composer les universités, le plagiat.


Le phénomène est tellement préoccupant et grandissant qu'il a récemment fait l'objet d'une journée d'étude organisée à Trois-Rivières par la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec à laquelle participaient 220 personnes en provenance de 18 universités.

 

Il est ressorti de cet atelier que «75 % des étudiants universitaires ont déjà fait du copier-coller dans un travail», résume Johanne Rocheleau, directrice du soutien pédagogique et technologique à l'Université du Québec à Trois-Rivières, tandis que «3 % seulement vont consciemment plagier et sont vraiment au courant des enjeux et des aboutissants», précise-t-elle.

«Le phénomène est facilité par Internet», analyse Mme Rocheleau. Tout laisse croire, dit-elle, qu'il est attribuable en partie à «cette jeune génération qui a grandi avec Internet et qui est habituée, ne serait-ce que par l'exemple de la musique, de s'approprier tout ce qui est accessible sur le web sans nécessairement citer ses sources.»

À l'UQTR, où l'on fait face à des situations de plagiat comme dans toutes les autres universités, une vingtaine d'étudiants sont traduits devant le Comité de discipline chaque année pour plagiat. La sanction la plus fréquente est un échec du cours, raconte Sylvain Delisle, président du comité et doyen des Études de premier cycle. Selon lui, il s'agit toutefois là d'un chiffre conservateur.

C'est que le processus qui mène à une sanction d'échec de cours pour plagiat à l'UQTR est très lourd, reconnaît-il, au point où les professeurs et chargés de cours qui prennent les étudiants en flagrant délit imposent l'échec du cours sans enclencher, bien souvent, «l'épreuve pénible de passer au comité de discipline», dit-il.

Consciente de la situation, l'UQTR consultera bientôt professeurs, chargés de cours et étudiants, car elle souhaite alléger la procédure. «L'étudiant fera appel au comité de discipline s'il est tellement convaincu de son affaire et qu'il est prêt à la défendre», plaide Sylvain Delisle.

À l'Université du Québec à Montréal, depuis janvier 2009, on a aussi mis des dents aux règlements sur la plagiat. Les sanctions de suspension et d'exclusion en raison d'une infraction académique apparaîtront désormais au relevé de notes de l'étudiant, une mesure sévère que l'on souhaite dissuasive.

L'UQAM laissera malgré tout une porte de sortie aux étudiants fautifs. «Ce ne seront pas toutes les sanctions qui seront portées au relevé de notes. Les sanctions d'échec au cours pour plagiat, par exemple, ne donneront pas lieu à une mention particulière. Autrement dit, un étudiant qui commettra une «erreur» pourra limiter les dégâts en autant qu'il ne récidive pas», explique Diane L. Demers, professeure au département des Sciences juridiques de l'UQAM.

Il faut dire que parmi toutes les infractions académiques, il y a des degrés de gravité. «La majorité des cas qui nous viennent sont des cas simples de plagiat, c'est-à-dire ne cite pas ses sources et en particulier en pigeant des parties de documents qui viennent d'Internet», illustre Sylvain Delisle.

L'affaire est presque culturelle. Souvent, les jeunes ont pris cette habitude dès le primaire, ajoute Mme Rocheleau, alors que les enseignants encouragent les enfants à aller chercher des éléments sur Internet sans leur montrer à identifier la source.

Il y a beaucoup plus grave, toutefois. «Il existe des sites web où l'on peut acheter des travaux», raconte Johanne Rocheleau. Certains sites offrent de l'aide en ligne et permettent même de faire faire ses travaux par quelqu'un d'autre, moyennant rémunération évidemment, renchérit Sylvain Delisle.

L'arrivée d'Internet et l'usage du matériel informatique oblige donc les universités à prendre des mesures pour se blinder de plusieurs manières. Un des participants à la journée de la CREPUQ racontait en effet qu'en «2001, à l'Université Laval, il y a des étudiants qui sont allés chercher les grilles de correction des examens à l'intérieur de l'ordinateur de leur prof», rapporte Mme Rocheleau.

Devant l'ampleur de la situation, les professeurs doivent aujourd'hui se doter de logiciels pour dépister le plagiat, certains pour détecter les ressemblances entre les travaux des étudiants et d'autres pour vérifier l'authenticité des dessins assistés par ordinateur.

Il y aura donc une suite à cette journée sur le plagiat organisée par la CREPUQ, explique Mme Rocheleau. Un comité sur le plagiat sera formé sous peu pour les 18 universités afin d'analyser le phénomène et proposer des avenues.