À Trois-Rivières, si vous devez parler au maire Yves Lévesque, vous avez deux choix sûrs: la séance publique du conseil municipal... ou le Cora Déjeuner du boulevard des Forges. Hier matin encore, la salle à manger du restaurant avait pris des airs de tapis rouge. Dès qu'il entre, les regards se tournent vers le maire, les mains s'agitent, il s'arrête à plusieurs tables et discute longuement, quitte à faire attendre celui ou celle avec qui il avait prévu déjeuner. L'image est forte, mais elle illustre aussi pourquoi personne ne semble prêt cette année à se jeter dans la fosse aux lions pour affronter Yves Lévesque à l'élection municipale de novembre. Plusieurs se souviennent trop bien de ce qu'il est advenu de ceux qui ont osé, à un moment ou un autre, défier celui qui a toujours une très haute cote de popularité chez l'électorat trifluvien.
Yves Lévesque, pour sa part, joue encore de prudence. «Les gens ont jusqu'en septembre pour se présenter. Je peux encore avoir de l'opposition», dit-il, sachant bien que les écrans radars auraient montré un adversaire bien avant le mois de juin. D'ailleurs, l'opposition est un mot avec lequel le maire vit très mal. Il préfère qu'on parle des «idées différentes». «Quelqu'un qui s'oppose pour s'opposer j'ai de la misère avec ça, parce que c'est généralement quelqu'un qui a un intérêt derrière son opposition. Il ne le dit pas mais prépare le terrain pour servir des intérêts. Si les gens ont des idées différentes et sont prêts à en discuter pour qu'on arrive à un consensus, je suis tout à fait d'accord avec ça», lance-t-il. N'empêche, on a souvent d'Yves Lévesque l'image du seul maître à bord de son navire. Une idée qui lui fera avaler de travers son «ordre de toast multigrains». «Demandeà mon directeur général», lancet-il en posant le poing sur la table. «Je ne contrôle rien, au contraire je donne beaucoup de responsabilités à mes gens. Je ne suis dans aucun groupe de travail. La Ville, c'est la réussite de toute l'équipe. Je délègue, mais les gens savent ce que je veux, ils connaissent la ligne de conduite: créer de la richesse et servir le citoyen», mentionne-t-il. Mais déléguer avec une ligne directrice, n'est-ce pas contrôler? «Qui peut être contre la création de la richesse? Le service aux citoyens? De simplifier nos façons de faire? D'avoir le moins de structures possible? Qui peut être contre l'autonomie?» répondra-t-il.
Avec les années, des groupes de citoyens se sont élevés contre les façons de faire du maire, les qualifiant parfois de gestion à la pièce, parfois même l'accusant de faire du favoritisme envers certains entrepreneurs ou compagnies. «C'est sûr que si on prend des décisions dans le but de plaire à tout le monde, on ne prendra plus jamais aucune décision. On ne peut pas gérer à coup de pétitions ou à chaque fois qu'un petit groupe se soulève. Comme maire, je suis comme un juge. Il faut que telle décision prise pour un groupe soit la même pour tout le monde», affirme Yves Lévesque. Et qu'adviendra-t-il si, en novembre, une majorité de conseillers élus étaient identifiés comme étant des opposants à sa gestion? «Je pars du principe de bonne foi. J'espère que les gens ne se présentent pas juste pour faire de l'opposition, sinon ça va être très long. Si je suis élu maire, je travaillerai avec ceux que les citoyens auront choisi. Mais je rois aussi que les citoyens sont capables d'identifier les gens qui vont travailler pour l'organisation et non contre», lance-t-il.