Victimes ou soumises

La Fédération des Femmes québécoises vient de se prononcer en faveur du port (en public) du voile par les femmes musulmanes. Cette décision est loin d'avoir fait l'unanimité au sein même de la Fédération. Cette prise de position a créé un malaise palpable chez plusieurs personnes qui, en leur nom personnel ou au nom du groupe qu'elles représentaient, ont demandé un report du vote pour leur permettre de réfléchir et de mûrir la question. La Fédération ne les a tout simplement pas écoutées. Faisant fi des principes élémentaires de la démocratie, on est tout de même passé à un vote qui, à notre avis, a été fort influencé par les membres de la direction.


J'étais présente à l'assemblée comme observatrice. Aux arguments entendus lors de l'assemblée, nous retenons ceux qui suivent et y répondons:

 



- Puisqu'on tolère que des femmes et des jeunes filles s'habillent sans pudeur et s'affichent nues, même à la télévision, pourquoi devrait-on interdire le contraire?

Un extrême ne peut en aucun cas en justifier un autre. Ces questions n'ont aucun lien avec ce qui nous préoccupe et doivent donc être considérées séparément. Ajoutons, et c'est là l'essentiel, que les femmes qui s'exhibent nues ne le font pas par conviction religieuse, ni par soumission à une quelconque doctrine religieuse.

- Il faut soutenir les religions parce qu'elles maintiennent l'harmonie.

Comment peut-on, encore de nos jours, affirmer une telle chose, alors qu'il est connu que les religions ont, depuis des siècles, été à la base d'abominables guerres? Les religions endoctrinent, règnent et contrôlent. Or, si la spiritualité et les valeurs sont importantes, elles n'ont strictement rien à voir avec la religion. À quand donc une charte de la laïcité ou, à tout le moins, l'ajout de clauses pertinentes à la Charte des droits et libertés?



- Les femmes musulmanes voilées sont victimes de discrimination; elles peuvent se voir refuser un emploi.

Faux. En tant que femmes et êtres humains, à quelques malheureuses exceptions près, elles sont respectées. C'est le symbole religieux (le voile), qui est la représentation de l'obéissance au Coran et qui est contraire à nos valeurs québécoises, ainsi que l'inégalité entre hommes et femmes que nous n'acceptons pas. Ces femmes ne sont pas davantage victimes que nous qui voyons nos valeurs laïques bafouées. Il n'y a rien de discriminatoire dans l'obligation de répondre aux exigences d'un employeur lorsque nous sollicitons un emploi. L'employeur n'a pas à se pénaliser pour embaucher quelqu'un.

Nous n'avons pas à nous laisser manipuler par les prétextes, dont la discrimination, invoqués pour justifier ce jeu de la victimisation. Méfions-nous de notre nature accommodante! Nous devrons peut-être en payer le prix plus tard quand nos écoles seront envahies par des enfants voilées et dépersonnalisées. Le taux de natalité plus élevé chez les musulmans pratiquants pourrait bien réduire nos fillettes québécoises à une minorité. Et qu'adviendra-t-il d'elles lorsqu'elles seront minoritaires?

Qui croit-on berner en remplaçant le mot ostentatoire par distinct quand on parle du voile? Distinct signifie différent. Nous acceptons les différences des personnes, mais souscrire à la soi-disant «distinction» du voile est, selon nous, donner le feu vert au symbolisme religieux et encourager ceux qui refusent de s'intégrer à notre culture. Ce qui provoque la guerre ailleurs aura tôt fait de la provoquer ici. Est-ce vraiment ce que nous voulons?

Andréa Richard

Trois-Rivières



auteure de Au-delà de la religion