Suicide assisté: un débat qui doit se tenir

Les événements survenus cette semaine à Trois-Rivières en lien avec la mort de l'ancienne conseillère municipale de Trois-Rivières-Ouest, Suzie Perreault-Ayotte, ont de quoi relancer le débat sur la question du suicide assisté au Canada, un débat qui refait surface à l'occasion mais qui n'a jamais mené à un positionnement clair au pays.


La chercheuse de l'Université du Québec à Montréal Isabelle Marcoux, spécialisée dans la question de l'opinion publique entourant l'euthanasie au Québec ainsi que les questions de décision de fin de vie, croit tout de même qu'un nouveau cas d'assistance au suicide au Québec démontre une fois de plus l'importance qu'il y ait un débat sur la question. Sans vouloir se prononcer sur le cas précis survenu mardi sur Côte Rosemont à Trois-Rivières en raison du peu de détails disponibles dans cette histoire, Mme Marcoux reconnaît que dès qu'un cas de suicide assisté est rapporté dans les médias, c'est qu'un problème existe.

 



«Ce qui est clair, c'est qu'un débat doit être tenu sur la question. Maintenant, je ne saurais me prononcer à savoir quelle serait la meilleure solution, entre la légalisation ou non du suicide assisté ou de l'euthanasie. Tellement de critères doivent être pris en considération et c'est pourquoi ce débat ne doit pas être pris à la légère», considère-t-elle.

Isabelle Marcoux a notamment étudié le cas de certains pays où l'euthanasie et le suicide assisté sont légalisés. Elle reconnaît que dans la très grande majorité des cas, il est question de souffrances liées à une maladie physique incurable dont les souffrances ne peuvent être soulagées par la médecine.

En ce qui a trait à la souffrance psychologique, comme la dépression par exemple, c'est plus délicat. Les Pays-Bas, qui ont légalisé l'euthanasie et le suicide assisté en 2001, ont élargi certains critères dans les dernières années qui peuvent inclure certains cas de souffrances psychologiques. «Lorsque la maladie physique engendre aussi des symptômes dépressifs, ça peut parfois entrer dans les critères acceptés», précise Isabelle Marcoux.

Toutefois, dès que la question de la souffrance psychologique est amenée, les passions se soulèvent. «Ça ramène à questionner la discrimination de la souffrance. Est-ce que la souffrance physique fait plus mal que la souffrance psychologique? C'est très complexe», remarque-t-elle.



Augmentation des cas?

Isabelle Marcoux souligne que dès que la question de la légalisation d'une telle pratique est soulevée, inévitablement on redoute une recrudescence des cas d'euthanasie ou de suicide assisté. Or, il semble que des études menées aux Pays-Bas et en Oregon, où seul le suicide assisté est légal, ont démontré qu'il n'y avait pas eu d'augmentation importante après l'entrée en vigueur de la loi.

Quoi qu'il en soit, malgré la médiatisation de plusieurs cas célèbres au Canada, dont ceux de Sue Rodriguez et de Robert Latimer, Isabelle Marcoux constate qu'aucun changement ne s'est opéré au niveau légal au pays, sinon que des comités de travail ont été mis en place à certains moments, et que les peines réservées aux personnes accusées d'assistance au suicide sont souvent données en considération des circonstances exceptionnelles de la mort de la personne. «Chaque cas est très complexe, alors le débat pour encadrer tous ces cas le sera encore plus. Mais c'est certain qu'il faudra le tenir un jour ou l'autre», estime-t-elle.

 

Avec prudence

Jointe hier après-midi, Mme Lalonde faisait cependant preuve de prudence à relier l'accusation portée contre Léger Ayotte pour avoir porté assistance à Suzie Perreault-Ayotte pour se donner la mort, et le projet de loi qu'elle venait de déposer. C'est qu'à l'intérieur des paramètres définis par son projet de loi, les circonstances entourant la mort de Mme Perreault-Ayotte ne pourraient cadrer comme un suicide assisté, tel que le projet de loi l'entend.



Toutefois, Francine Lalonde reconnaît que dès qu'un cas est amené sur la place publique, des discussions doivent se tenir. Le projet de loi qu'elle propose encadrerait le suicide assisté ou l'euthanasie dans deux cas.

D'abord, une personne qui, après avoir subi des traitements pour soulager sa douleur, continue d'éprouver des douleurs physiques ou mentales insupportables, pourrait en faire la demande.

En second lieu, si une personne atteinte d'une maladie en phase terminale en fait la demande, elle pourrait aussi cadrer à l'intérieur des circonstances acceptables selon le projet de loi.

En tout temps, l'autorisation devrait être donnée par un médecin, qui aurait aussi obtenu un second avis sur le diagnostic, confirmant que tout avait été tenté pour soulager la personne qui demande à mettre fin à ses jours.

Le projet de loi, comme le veut le protocole, fera l'objet d'une discussion parlementaire de deux heures, à la suite de quoi les élus voteront pour savoir si le projet sera étudié par un comité. Le comité pourrait le modifier avant de le renvoyer aux élus qui décideraient enfin de son adoption ou non.

«Je regrette que le contexte parlementaire ne permette pas un débat plus serré. Par contre, j'espère qu'il entraînera des discussions poussées à l'intérieur des caucus. Et évidemment, j'encourage la population à se prononcer si elle veut donner son avis sur la question», souligne Mme Lalonde.

Pas une affaire d'État...

Pour sa part, le psychiatre Pierre Mailloux estime qu'il n'appartient pas au gouvernement de tenir un débat sur le suicide assisté et l'euthanasie, mais que c'est plutôt les individus en tant que société qui devraient le tenir.



Selon lui, le débat doit exclure l'État, mais inclure la personne souffrante, son médecin, ses proches et à la limite les avocats et les infirmières pouvant être concernés par un cas précis.

Pierre Mailloux précise qu'il est intéressant et essentiel qu'une société puisse se donner un débat sur la question, tenant compte des nombreux cas d'acharnement thérapeutique et des nombreuses personnes qui, avec le vieillissement de la population, pourraient être susceptibles de souffrir de détresse psychologique ou de maladies chroniques et dégénératives.•