Actuellement sous le contrôle de la police, le bunker verra son avenir décidé prochainement par la justice. Si la cour détermine que des activités criminelles ont bel et bien eu lieu à l'intérieur de ces murs, la saisie du bunker deviendra permanente et l'édifice sera propriété de l'État.

Le maire Yves Lévesque espère, à ce moment, que le gouvernement le redonnera à la Ville pour qu'elle puisse gérer ce dossier comme elle le souhaite.

«Par le passé, il avait été question que des organismes communautaires s'y installent. Mais dans un monde idéal, j'aimerais qu'il soit démoli. Ça viendrait complètement défaire l'image qu'il projette. En ce moment, cet édifice-là n'a aucune autre signification que le crime organisé pour les Trifluviens», souligne le maire.

Déjà en 1999, alors maire de Trois-Rivières-Ouest, Yves Lévesque avait tenté d'acheter le bunker, sans succès. De nouvelles dispositions au règlement municipal rendaient toutefois le bâtiment non conforme et les Hells avaient été forcés d'enlever tout élément de fortification qui avait été construit sur ou autour du bâtiment.

Des lois plus sévères

Bien que satisfait de l'opération menée hier, Yves Lévesque se désole de constater le temps qu'il aura fallu pour me- ner cette frappe contre un groupe que l'on savait déjà lié au crime organisé.

«C'est triste de voir que ces groupes ont des droits égaux à tous les autres citoyens. Les membres de ces groupes peuvent même parfois avoir accès à l'aide juridique. Nos lois sont ainsi faites et protègent les criminels, et les contribuables doivent payer pour des enquêtes interminables», souligne Yves Lévesque.

À son avis, dès qu'un membre d'un groupe criminalisé accepte de s'afficher comme s'affichaient les Hells à Trois-Rivières, des mesures spéciales devraient automatiquement s'appliquer.

Ouimet et Brouillette toujours au large

Parmi les huit personnes toujours recherchées par les autorités policières se trouvent deux membres du chapitre trifluvien très influents au niveau des Hells Angels au Québec. Normand  Marvin «Casper» Ouimet et Aurèle Brouillette font toujours l'objet d'un mandat d'arrestation par l'escouade régionale mixte.

Normand Marvin «Casper» Ouimet, 39 ans, avait défrayé les manchette il y a à peine deux semaines, alors que la Sûreté du Québec menait de nombreuses perquisitions à travers la province afin d'enquêter sur le milieu de la construction et le crime organisé. L'une des résidences du Hells Angel, située sur le 6e Rang Est dans le secteur Pointe-du-Lac, avait alors fait l'objet d'une perquisition, mais l'homme n'était pas visé par un mandat d'arrestation.

Une autre des résidences de Ouimet, à Repentigny, avait aussi été perquisitionnée cette journée-là. Selon certains observateurs du milieu du crime organisé, «Casper» est un des membres très influent du groupe de motards au Québec, en plus d'avoir de plus en plus d'influence dans le milieu de la construction dans la province.

Ouimet est recherché et devra faire face à des accusations de meurtre au premier degré, complot pour meurtre et gangstérisme.

Pour sa part, Aurèle Brouillette, 57 ans, aussi un membre en règle du chapitre trifluvien, a été intronisé comme membre du chapitre en juin 2004. Depuis, avec Steve Rainville, il a fondé le chapitre des Hells Angels en République dominicaine en 2008.

Brouillette exploite d'ailleurs un garage de vente d'autos d'occasion à cet endroit. Avec son fils Mario, Aurèle Brouillette était un des membres fondateurs des Rowdy Crew, un club satellite des Hells, éradiqué lors de l'opération Printemps 2001.

Les Hells Angels à Trois-Rivières

1989 - Érection d'un bâtiment de type de bunker sur le terrain situé au 4060 boulevard Saint-Jean. Le permis de construction a été émis au nom du Club de motos Les Missiles de la Mauricie.

1991 - Les Missiles de la Mauricie sont intégrés aux Hells Angels et forment le chapitre de Trois-Rivières. Le bâtiment construit en 1989 demeure cependant au nom des Missiles.

1999 - Alors à la tête de la Ville de Trois-Rivières-Ouest, le maire Yves Lévesque offre d'acheter le bunker pour y loger des organismes communautaires.

Mars 2001 - Le chapitre trifluvien est ébranlé dans le cadre de l'Opération printemps 2001 au cours de laquelle 122 individus en lien avec l'organisation ont été arrêtés. Six l'ont d'ailleurs été dans la région. Aucune perquisition n'avait cependant eu lieu dans le bunker trifluvien.

2002 - Les fortifications du bunker sont démantelées comme l'avaient demandé les dirigeants de l'ancienne ville de Trois-Rivières-Ouest, et ce, dans les délais que ces derniers avaient imposés.

2003 - Le maire de Trois-Rivières, Yves Lévesque, offre une fois de plus d'acheter le bunker.

Mai 2004 - Les forces policières ébranlent le chapitre trifluvien dans le cadre de l'opération H.A. Centre. Une trentaine de personnes, dont un membre en règle, sont arrêtées et 21 perquisitions sont effectuées. Le bunker du boulevard Saint-Jean avait notamment été visité par les policiers.

2006 - La Ville de Trois-Rivières fait retirer du bâtiment une enseigne lumineuse sur laquelle on retrouvait le logo des Hells Angels.

2007 - Selon le rôle d'évaluation triennal adopté le 9 juillet, la valeur totale du bunker et du terrain sur lequel il est construit se chiffre à 274 000 $.

Octobre 2007 - Après une cavale qui a duré près de trois ans et demi, Marc-André Hinse, la présumée tête dirigeante du chapitre trifluvien, est arrêté dans un chalet de Windigo, au nord de La Tuque.

2008 - Des membres en règle du chapitre de Trois-Rivières fondent un nouveau clan en République dominicaine.

2009 - Le compte de taxes municipales pour la propriété située au 4060 boulevard Saint-Jean s'élève à 6547, 47 $.