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Pas moins de 1200 policiers des escouades régionales mixtes de la SQ, appuyés par divers corps municipaux, ont terminé le nettoyage amorcé au printemps 2001. Au cours de son enquête, la police a bénéficié de l'aide d'au moins quatre criminels repentis, a appris La Presse, en plus d'un vétéran à la retraite des Hells Angels qui a balancé plein de renseignements sur ses «frères» motards.
L'opération d'hier, menée aux quatre coins de la province et même en France, au Nouveau-Brunswick et en République dominicaine, est déjà décrite comme l'une des plus importantes de l'histoire québécoise. «On a arrêté presque la totalité des Hells Angels du Québec», a résumé le lieutenant Daniel Guérin, de l'Escouade régionale mixte de Laval.
Ce coup de filet pourrait aider la police à résoudre 22 meurtres commis durant la guerre des motards qui a sévi entre 1994 et 2000. L'un d'eux avait coûté la vie à une victime innocente, Serge Hervieux, abattu par erreur à Montréal.
L'opération, baptisée SHARQC, était en préparation depuis près de trois ans et concerne des infractions commises entre 1992 et 2009. Pas moins de 156 personnes étaient visées par des mandats d'arrestation, dont 111 membres en règle des HA (sur 113 au Québec), quatre prospects, un «hangaround», 11 retraités et 29 relations. Au moment d'envoyer ces lignes, une trentaine d'individus étaient toujours recherchés, dont Normand Marvin «Casper» Ouimet, dont le nom a récemment été associé à l'industrie de la construction.
Une dizaine de suspects étaient déjà derrière les barreaux et feront face à de nouvelles accusations. C'est le cas de Paul Fontaine, condamné pour le meurtre prémédité du gardien de prison Pierre Rondeau en 1997.
Des perquisitions ont été faites dans les quatre bunkers restants des Hells à Québec, Trois-Rivières, Sherbrooke et Longueuil. Celui de Sorel a été détruit dans un attentat à la voiture piégée en automne dernier. Les policiers n'en ont pas moins confisqué le terrain.
Le repaire des HA situé à Cabarete, en République dominicaine, a aussi reçu la visite des policiers, à la suite d'un mandat international lancé par les autorités canadiennes.
Les policiers ont aussi mis la main au collet de cinq individus à Saint-Léonard, au Nouveau-Brunswick. Ils sont soupçonnés d'avoir coordonné le transport de la drogue entre le Québec, les Maritimes et les États-Unis. Les suspects, le membre en règle Martin Émery et quatre relations, seront jugés à Montréal.
Quant au motard appréhendé en France, il s'agit d'Éric Bouffard, qui se trouvait en tournoi de hockey avec le fils de sa conjointe sur la Côte d'Azur.
Selon nos informations, l'homme de 43 ans - accusé de trafic de stupéfiants et de gangstérisme lors de l'opération Printemps 2001 - devait aussi prendre part à un party des Hells Angels sur la Côte d'Azur prévu vendredi prochain.
L'an dernier, Éric «Boubou» Bouffard avait fait les manchettes après la découverte de son rôle au sein de l'organisation de l'équipe des Chiefs de Saint-Hyacinthe, dans la Ligue nord-américaine de hockey.
111 prévenus plaident non coupable
Après la frappe menée sur le coup de 5 h hier matin, les suspects ont ensuite été conduits sous forte escorte dans les postes de police de diverses régions.
À Laval, on a vu plusieurs grosses pointures, notamment le président du chapitre Montréal (Sorel) Benoît Frenette et l'ancien chef des Rock Machine Salvatore Cazzetta, devenu HA il y a quelques années.
Cazzetta traîne derrière lui une longue feuille de route en matière criminelle. Son nom avait refait surface en décembre 2007, après que La Presse eut révélé que Cazzetta était un des fondateurs du distributeur de la boisson énergisante Cintron, alors le principal commanditaire de l'émission de téléréalité Loft Story.
Les policiers ont aussi arrêté Jean-Paul Ramsey, appréhendé en 2004 au cours d'une vaste opération qui ciblait les Evil Ones, une filiale des Hells Angels fortement impliqués dans le trafic de la drogue.
Ramsey a récemment fait les machettes lorsqu'un immeuble lui appartenant a été incendié par les trois hommes accusés d'avoir fait sauter le bunker de Sorel avec un camion-citerne.
Les policiers ont par ailleurs investi le bunker du chapitre South situé rue Verchères, à Longueuil. Parmi les représentants du chapitre South arrêtés sur la Rive-Sud se trouvent deux membres fondateurs du chapitre montréalais, ouvert en 1977 par des porte-couleurs de l'ancien gang des Popeyes. Il s'agit de Michel «Sky» Langlois et Normand «Dog» Labelle, qui ont quitté en 1997 le chapitre montréalais pour ouvrir le chapitre South.
Des policiers ont aussi perquisitionné la superbe résidence de Benoît Frenette, situé au bout du chemin Kilkenny, à Saint- Hippolyte.
À Blainville, à la résidence du Hells Angel Stéphane Plouffe, on pouvait voir des agents munis de gants de caoutchouc mauves scruter minutieusement le contenu d'un bac de recyclage à l'arrière de la maison. Comparution
En après-midi, 111 prévenus ont comparu par vidéo depuis le centre de services judiciaires Gouin, où siégeait la juge Isabelle Rheault.
Ils ont défilé tour à tour à l'écran pour répondre, pour la majorité, à des accusations de meurtres, complot pour meurtres, gangstérisme et trafic de stupéfiants.
On leur reproche d'avoir comploté avec les membres des Nomads et des Rockers arrêtés lors de Printemps 2001, «afin de commettre des meurtres ou faire assassiner des personnes faisant partie de divers groupes identifiés comme étant l'Alliance, le Dark Circle, les Rock Machines, les Bandidos, et/ou des trafiquants indépendants de stupéfiants qui refusaient de s'approvisionner auprès des Hells Angels ou de leurs groupes affiliés.»
Les accusés ont systématiquement plaidé non coupable et leur enquête sous caution a été fixée au 24 avril prochain.
Une récolte des plus impressionnantes
L'opération Printemps 2001 a fait mal aux Hells Angels en éliminant les clans guerriers des Nomads et des Rockers de Montréal, mais cette fois-ci la récolte est autrement plus impressionnante: pas moins de 111 membres des cinq chapitres encore actifs ont été emportés par le «tsunami» policier.
Parmi les plus grosses prises, on trouve Michel «Sky» Langlois, Benoît Frenette, alias «le général» et l'ancien chef des Rock Machine Salvatore Cazzetta, qui en menait large au sein du chapitre de Montréal (Sorel). Il y a aussi plusieurs Hells de Sherbrooke, dont David Rouleau et les frères Yvon, Pierre et Guy Rodrigue, que l'on croyait insaisissables tellement ils fonctionnaient discrètement depuis des années.
Le plus inquiétant, c'est que tout ce monde recyclaient à grands flots l'argent de la drogue dans des entreprises légitimes comme la construction, l'automobile et la distribution de boissons énergisantes. Les Hells Angels ont aussi investi gros en République dominicaine, où ils ont ouvert un chapitre au début de l'année. D'autres développements sont d'ailleurs attendus qui pourraient dévoiler l'ampleur de leurs ramifications et de leurs avoirs. Des hommes d'affaires de Montréal et la région pourraient être éclaboussés.
La retentissante opération d'hier tient son importance de ce qu'elle décime d'un coup les cinq chapitres des Hells Angels au Québec. Ce tour de force devrait logiquement empêcher le club de se réorganiser comme il l'a fait en 2001. L'objectif de l'époque étant de mettre fin à la guerre des motards, les policiers s'étaient attaqués aux Nomads et à leurs fiers-à-bras des Rockers de Montréal. Ils avaient à la même occasion mis au jour le réseau de distribution de cocaïne et de haschisch la fameuse «table», comme on l'appelait que Maurice Boucher et ses sbires avaient mis sur pied par la menace et les meurtres. Le sanglant conflit avec les Rock Machine/Bandidos et leurs associés du narcotrafic a duré sept longues années.
Bien qu'ébranlés, les Hells Angels s'étaient vite renfloués grâce aux membres des autres chapitres restés dans le circuit. C'est ainsi que Normand Marvin «Casper» Ouimet et son fidèle acolyte Mario Brouillette avaient hérité du trafic de drogue dans le centre-ville de Montréal, en accointance avec la «clique» des Syndicate, une formation fantoche regroupant la «gomme» des gangs de rue. En 2006, les policiers ont «récidivé» en écrouant Brouillette et les leaders des Syndicate. Le narcotrafiquant Yvan Cech, basé en République dominicaine, était également tombé dans les filets de l'escouade anti-motard. En lien avec des fournisseurs colombiens, Cech faisait entrer la cocaïne dans des lingots d'aluminium en partance du Venezuela.
À la suite de cette nouvelle razzia, «Casper» Ouimet et les Syndicate se sont cette fois tournés vers les frères Emmanuel et Ismael Zéphir, autres émules des gangs de rue, en vue de maintenir leur négoce dans les bars et les rues du centre-ville. Le réseau était alimenté en cocaïne par le clan des frères Jean et Patrick Lavertue, contrôlant le sud-ouest de la ville, comme vient de le démontrer la série d'arrestations liée à l'opération Axe, celle-là même qui a fait ressortir les noms de joueurs du Canadien.
L'enquête a établi que les Lavertue remettaient de 100 000 à 135 000 $ par mois en redevances aux Syndicate.
À la suite des incursions répétées de gangs de rue qui leur faisaient la vie dure, les Hells ont appelé à la rescousse l'ancien chef des Rock Machine Salvatore Cazzetta.
Passé dans leur camp à sa sortie de prison, Cazzetta et deux autres transfuges ont été chargés de ramener l'ordre dans son ancien fief du centre-ville, qu'il a contrôlé pendant une bonne partie des années 80 et 90. La décision de confier à d'anciens rivaux un secteur de vente de drogue aussi payant a fait jaser au sein des Hells Angels.
La plus grande victoire de la police est certainement d'avoir touché le chapitre de Sherbrooke, réputé le mieux organisé et le plus riche au Québec. Ses membres rayonnent jusqu'en Ontario et dans les provinces maritimes. Ils jouissent d'une grande indépendance et font dans le blanchiment d'argent et la fraude fiscale depuis très longtemps. Ils possèdent en sous-main un grand nombre de commerces en Estrie, dont des bars, des garages et des ateliers de débosselage. Pour sa part, David Rouleau a des intérêts dans une florissante entreprise de construction de Lavaltrie, près de Joliette.