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Même si la population québécoise tend à augmenter, on observe une baisse du nombre d'habitants dans certaines régions dont la Mauricie. Ce n'est plus une surprise pour personne dans le milieu de l'éducation: la population vieillit.
Des données retrouvées dans le dossier Places-élèves 2007-2012 de la Commission scolaire du Chemin-du-Roy peuvent sans doute expliquer le sentiment d'inquiétude qui anime les décideurs, tout territoires scolaires confondus. Selon les perspectives établies par l'Institut de la statistique du Québec, pour la période de 2001 à 2026, le nombre de jeunes de moins de 19 ans en Mauricie devrait avoir diminué de 33,2 %. Pour l'ensemble du Québec, la décroissance moyenne pour ce groupe d'âge est de 12,9 %.
En septembre dernier, ce sont 507 élèves en moins qui se sont présentés dans les écoles primaires et secondaires de la Commission scolaire du Chemin-du-Roy. Pendant ce temps, la Commission scolaire de l'Énergie a enregistré une diminution de 448 enfants et adolescents. Sur la rive sud du Saint-Laurent, plus précisément sur le territoire de la Commission scolaire de la Riveraine, la baisse enregistrée a été de 187 élèves, primaire et secondaire confondus.
Fait à noter, la variation est actuellement plus marquée dans les écoles primaires. Pour l'instant du moins. Les élèves qui n'ont jamais existé au primaire ne vont jamais graduer au secondaire. De septembre 2008 à septembre 2009, la Commission scolaire de l'Énergie a prévu une diminution de ses effectifs au primaire de 211 écoliers. Pendant ce temps, au secondaire, on s'attend à 77 élèves de moins. Même si le phénomène de la décroissance scolaire devrait connaître une certaine accalmie dans quelques années, elle est néanmoins terminée l'époque où le nombre d'enfants qui entraient dans le monde scolaire contrebalançait pour ceux qui en sortaient.
Bon an, mal an, les commissions scolaires doivent faire l'analyse de leurs prévisions de clientèle et entreprendre la réorganisation qui s'impose parfois, le plus souvent dans les petites municipalités où les jeunes familles sont moins nombreuses.
Préoccuppés par le phénomène, les administrateurs évoquent l'équilibre des ressources financières et la qualité des services éducatifs pour justifier les changements à prévoir. Au nom du sentiment d'appartenance, de la coopération possible avec la communauté et de la survie même du village, les parents plaident pour l'importance de laisser les écoliers grandir dans leur milieu.
Question d'en savoir un peu plus sur le quotidien des établissements de petite taille, des défis qui se posent, des avantages de ce type d'établissement comme des inconvénients, Le Nouvelliste a dressé la liste des écoles de moins de 100 élèves répartis sur les territoires des commissions scolaires de l'Énergie, du Chemin-du-Roy et de la Riveraine. Les moins populeuses d'entre elles ont été visitées. On parle ici d'institutions scolaires fréquentées par 9, 19 et 32 enfants, des écoles qui, en réalité, ont la grosseur d'une classe. Et encore.
Les écoles primaires de la Vallée-de-Mékinac (Saint-Roch-de-Mékinac), Sainte-Marie (Batiscan) et de la Croisée (Aston-Jonction) ont accepté d'ouvrir leurs portes. Avec grande fierté.
Quantité et qualité de services
Pour la directrice de l'école de la Vallée-de-Mékinac, Raymonde Richer, l'esprit de famille, le sentiment d'appartenance et tout cet espace disponible sur deux étages, sont au nombre des avantages qu'on peut retrouver dans un établissement scolaire de neuf élèves.
Ces derniers ne sont pas en reste non plus en matière d'équipements. On y dénombre actuellement plus d'appareils informatiques que de jeunes utilisateurs. Trois ordinateurs sont des modèles dernier cri, comme quoi il est faux de penser que les petites écoles éloignées sont les éternelles oubliées d'une commission scolaire.
«Pas du tout!» assure Mme Richer lors de la tournée du proprio qui nous amène à la bibliothèque, un local partagé avec la Municipalité. Les résidents de Saint-Roch-de-Mékinac peuvent s'y présenter à différentes heures de la semaine, sans jamais croiser les écoliers.
Les élèves de la Vallée-de-Mékinac n'ont pas moins d'activités et de sorties que les enfants qui sont inscrits dans une école plus populeuse. Plus tard ce printemps, ils iront visiter le Zoo de Granby. Une campagne de financement organisée par les parents et une enveloppe d'argent réservée à cet effet par la directrice de l'école permettront de rembourser les coûts de transport par minibus.
Mme Richer indique que les services professionnels en psychoéducation, en orthophonie et en psychologie sont dispensés au besoin. Elle précise cependant que lorsqu'un enfant présente d'importants troubles d'apprentissage et, ou de comportement, il est alors appelé à fréquenter l'école La Providence, à Saint-Tite, où c'est plus simple selon elle d'assurer un suivi adéquat.
Ce serait injuste d'affirmer qu'il n'y a pas un chat à l'école de la Vallée-de-Mékinac. D'abord, on y croise neuf enfants qui y poursuivent actuellement leurs apprentissages scolaires. Et il y a Cocotte, une chatte qui, selon la version officieuse, appartiendrait à la grand-maman d'un diplômé de l'endroit.
Neuf élèves. Trois en 1re année, trois en 2e et trois autres en 4e. Neuf écoliers dans une école qui peut en accueillir 75. Neuf filles et garçons pour une enseignante, Geneviève Tellier, une sorte d'Émilie Bordeleau des temps modernes.
«Je n'ai peut-être que neuf élèves, mais pour ce qui est de ma tâche, ce n'est certainement pas des vacances», avoue timidement celle qui doit planifier ses journées en fonction de trois programmes académiques différents. Elle admet que certaines journées sont plus éreintantes que d'autres. D'ailleurs, les profs ne se bousculent pas aux portes pour demander un mouvement volontaire du côté de l'école de la Vallée-de-Mékinac.
Mme Tellier y travaille depuis trois ans. Elle a toujours enseigné trois niveaux à la fois. Celle que les écoliers appellent affectueusement «Madame Geneviève» peut compter sur ses mini-profs pour lui donner un coup de main. On parle ici des plus vieux de la classe-école, les élèves de 4e année qui sont appelés à aider les plus jeunes dans leurs apprentissages scolaires, et ce, pendant que l'enseignante doit se consacrer à un ou deux enfants en particulier.
Une enseignante pour neuf élèves, c'est pratiquement de la pédagogie individualisée. Parallèlement, ce ratio amène les jeunes à faire preuve d'une plus grande autonomie.
Une orthopédagogue se présente au besoin à l'école de la Vallée-de-Mékinac. Au moment du passage du Nouvelliste, la spécialiste y était en compagnie d'un garçon, à la demande de l'enseignante. «Il arrive que je doive faire valider certaines choses», précise Mme Tellier qui ajoute que ce n'est pas toujours évident d'être la seule enseignante dans une école.
La visite de la directrice, la présence de la secrétaire (environ une journée et demie par semaine), le soutien d'une aide pédagogique (dix périodes sur dix jours), de même que le va-et-vient des spécialistes (musique, anglais et éducation physique) sont grandement appréciés par la jeune femme qui s'ennuie parfois de la dynamique qui peut exister entre enseignants d'un même niveau, d'une même école.
Cela dit, Mme Tellier bénéficie d'une rare liberté d'action. Les défis sont nombreux. Elle est maître à bord et l'apprécie. «Ça roule dans une journée!» lance-t-elle en riant.
Quant à la chatte, eh bien, l'enseignante et les écoliers l'ont ni plus ni moins adoptée. Le félin passe la majorité de ses journées en classe avec eux, étendu sur le plancher ou entre les bras d'un enfant en quête d'un peu de douceur. De la zoothérapie à petit prix. Et contrairement aux enfants qui ne se font pas prier pour quitter les lieux aussitôt que la cloche sonne, Cocotte, elle, faut la pousser un peu.
Sur une falaise, en chute libre
En 2007-08, ce sont dix-huit enfants qui fréquentaient l'école primaire de Saint-Roch-de-Mékinac, une municipalité qui compte 331 résidants.
En un an, le nombre d'écoliers a chuté de moitié. Si on recule de dix ans en arrière, ce sont 29 élèves en moins. Un écart de 76,32 %, selon le tableau comparatif des effectifs scolaires de la Commission scolaire de l'Énergie.
Les prévisions de clientèle à l'école de la Vallée-de-Mékinac indiquent qu'ils seront de nouveau neuf élèves en septembre prochain. Ils devraient être répartis sur quatre niveaux, incluant la maternelle. La Commission scolaire de l'Énergie envisage cependant de transférer à Saint-Tite le nouveau venu âgé de 5 ans. Selon elle, le programme de formation préscolaire, avec ses apprentissages particuliers, ne devrait pas faire partie d'une classe multi-âges. Idéalement du moins.
Juchée à gauche de l'église, sur une falaise de quelque 300 pieds au-dessus de la rivière Saint-Maurice, l'école de la Vallée-de-Mékinac est le seul établissement scolaire primaire situé sur la route 155, entre Shawinigan et La Tuque.
Pour les petits qui grandissent dans la municipalité de Trois-Rives, qui réunit Grande-Anse, Saint-Joseph-de-Mékinac et Rivière-Matawin, c'est à Saint-Roch-de-Mékinac, une vingtaine de kilomètres plus au sud, qu'on retrouve l'école la plus près.
Fait à noter, en septembre dernier, neuf autres enfants d'âge primaire de Saint-Roch-de-Mékinac et leurs parents ont décidé de prendre la direction de Saint-Tite, également une vingtaine de kilomètres plus loin. Il y a autant de raisons familiales que d'élèves qui sont transférés à l'école institutionnelle La Providence qui accueille 226 écoliers regroupés dans douze classes.
«Dans le cas d'un enfant de Saint-Roch qui se retrouve tout seul de son niveau, il peut avoir besoin d'être motivé par la présence d'un plus grand nombre de jeunes de son âge», explique Raymonde Richer, la directrice des écoles de la Providence et de la Vallée-de-Mékinac, deux institutions qui ont le même conseil d'établissement.
Elle ajoute que malgré leur petit nombre, les neuf élèves ne sont pas à l'abri des conflits qui peuvent éclater dans une cour de récréation. Mais à la différence des élèves d'une plus grande école, ceux de Saint-Roch-de-Mékinac n'ont pas beaucoup de compagnons vers qui se tourner lorsque ça ne va plus entre deux ou trois jeunes. Cette situation peut entraîner de l'isolement et de l'anxiété. La directrice confirme que les défis de la socialisation sont plus difficiles à atteindre lorsque le bassin d'enfants est ainsi limité.
Mme Richer se présente à raison d'une demi-journée par semaine à Saint-Roch-de-Mékinac. «J'essaie de ne pas dépasser deux semaines. C'est important de maintenir le lien avec les enfants et l'enseignante», dit celle qui en est à sa cinquième année à titre de directrice de l'endroit.