C'est ce que soutient la Coalition pour un seul mégahôpital et la Société Saint-Jean-Baptiste de la Mauricie qui tenaient conjointement un point de presse hier, pour alerter la population.
Cette coalition qui assure avoir l'appui de plusieurs médecins et économistes en est au début d'une tournée provinciale de sensibilisation.
Selon Pierre-André Julien, économiste de l'UQTR, bâtir simultanément le McGill University Health Centre (MUHG) et le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) fera exploser les coûts de construction actuellement estimés à 3,6milliards $. En plus de prédire les inévitables dépassements de coûts, leur construction simultanée pourrait facilement faire grimper les coûts jusqu'à 7 milliards $ prévient l'économiste.
«Situé dans un rayon d'à peine 10 kilomètres à Montréal chacun de ces mégacentres hospitaliers représente l'équivalent d'un stade olympique en investissements publics. Cela aura un impact majeur sur les ressources allouées et les emplois reliés au domaine de la santé en région», a déclaré M. Julien.
Ce dernier n'a pas manqué de rappeler que le dernier budget libéral ne contenait pour ainsi dire aucune augmentation pour le secteur de la santé, ce qui lui fait dire qu'on n'est pas près de voir un nouveau chantier en région.
Pour sa part, Mario Beaulieu, président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, qui se défend de politiser le dossier, a fait remarquer que toutes les régions du Québec devront contribuer à défrayer les milliards de dollars en taxes et impour deux mégahôpitaux à Montréal. Or, ces derniers seront financés à part égale, l'un pour 80 % de francophones et l'autre pour les 10 % d'anglophones.
«Autant sous l'angle économique, médical que linguistique, il serait plus rentable et plus rassembleur de construire un seul mégahôpital bilingue à Montréal où la langue de travail serait le français. Il pourrait desservir à la fois l'Université de Montréal et l'Université McGill.»
Lorsqu'on lui demande si la chose est réaliste, c'est M. Julien qui répond que la Suisse y arrive.
Par ailleurs, M. Beaulieu ajoute qu'il existe déjà amplement d'hôpitaux sur l'île de Montréal pour desservir la population anglophone, soit une douzaine.
«Or, pour avoir le statut d'anglophone, un hôpital doit desservir une majorité d'anglophones, ce qui n'est plus du tout le cas en ce moment et ce le sera encore moins avec le mégahôpital McGill. L'impact de ce projet à Montréal, c'est l'anglicisation de la langue de travail, dénonce-t-il. Déjà, l'hôpital McGill constitue le 4e plus important employeur montréalais avec plus de 11 500 travailleurs, et comme ils ont le statut d'anglophone, ils ne sont pas tenus d'engager des gens qui parlent le français. Or, 20 % des gens qui fréquentent des hôpitaux anglophones sont confrontés à du personnel qui ne parle pas français.»
Enfin, Yves Saint-Pierre, président de la SSJB de la Mauricie, a dit déplorer une telle concentration de services spécialisés et de la formation des médecins à Montréal alors que les besoins sont criants dans toutes les régions du Québec.
«Cela ne peut qu'accentuer la pénurie de médecins en région, car c'est la décentralisation de la formation qui favorise le recrutement de médecins qualifiés en région. De plus, 52 % des diplômés de McGill quittent le Québec.»
Quand on demande aux membres de la coalition si le débat ne risque pas de tourner à l'affrontement francophone-anglophone, ils répondent que c'est pourquoi ils insistent aussi beaucoup sur le danger que représentent ces deux hôpitaux pour l'équilibre des services en région. Ils se disent toutefois aussi très conscients que certains commentateurs seront tentés de simplifier la discussion et d'en faire une question purement linguistique.
De leur propre aveu, les membres de la coalition n'ont pas encore réussi à convaincre les politiciens du bien-fondé leur position. C'est que le CHUM et son futur site représentent un véritable panier de crabes, alors imaginez ce que ce serait d'introduire un élément linguistique!