De 1993 à 1996, près de 1000 élèves et leurs parents, de même qu'une centaine d'enseignantes de 27 écoles primaires de la région, ont servi d'échantillon aux travaux de recherche menés par des professeurs et chercheurs du département de psychoéducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières.
Mandatés par le ministère de l'Éducation, Pierre Potvin et Louise Paradis avaient alors pour objectif d'approfondir les facteurs reliés à la réussite scolaire dès l'entrée d'un enfant dans le système scolaire. Ainsi, ils ont tenu compte de l'estime de soi de l'élève, de son attitude vis-à-vis l'école, de la perception de l'éducatrice de la maternelle et des enseignantes de 1re et 2e année du primaire envers l'écolier, etc.
M. Potvin explique que les enseignantes avaient notamment à préciser, et ce, pour chaque élève, si celui-ci était de type attachant, indifférent, préoccupant ou rejeté. En fait, on leur demandait de décrire leurs élèves selon un point de vue personnel et un jugement d'ordre académique. Comment l'enseignante percevait-elle par exemple le futur scolaire de l'élève? Sans difficulté d'apprentissage ou, à l'inverse, avec des difficultés importantes?
Onze ans plus tard, Pierre Potvin qui, entre temps, s'est associé avec ses collègues Danielle Leclerc et Line Massé, a voulu savoir ce que ces petits de la maternelle étaient devenus à l'âge où des jeunes qui ont suivi un cheminement scolaire régulier obtiennent généralement leur diplôme d'études secondaires.
En 2004, 976 élèves ont pu être ainsi retracés à partir de la base de données du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport. Avaient-ils complété leurs parcours secondaire, pris du retard dans leur cheminement ou carrément abandonné l'école?
Au moment où la question du décrochage est sur toutes les tribunes, M. Potvin, qui s'intéresse au phénomène depuis de nombreuses années, présentait la semaine dernière les résultats de ses travaux de recherche au MELS. Pour lui, il ne fait aucun doute que les enseignantes de la maternelle et au premier cycle du primaire ont, pour la grande majorité, l'expertise d'identifier les élèves à risque de décrocher.
Le chercheur associé au Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ) précise que trois élèves sur quatre qui avaient été identifiés sans difficulté à la maternelle ont diplômé. À l'opposé, le trois quart de ceux dont les enseignantes anticipaient un cheminement scolaire avec difficulté affichaient du retard en 2004, ou avaient décroché.
Par ailleurs, il est intéressant de constater que deux élèves sur trois qui, à la maternelle, étaient aux yeux de leurs éducatrices de types préoccupants (présentaient des difficultés scolaires) ou rejetés (aux prises avec des troubles de comportement) étaient, onze ans plus tard, en retard dans leur parcours ou décrocheurs...
Sur ce, M. Potvin estime que les résultats de cette étude longitudinale peuvent rappeler au personnel enseignant à quel point leurs propres attitudes et perceptions envers l'élève sont significatives, qu'elles peuvent même influencer la suite des choses.
En 1993, environ 60% des élèves de la maternelle qui étaient considérés comme attachants avaient leur diplôme onze ans plus tard. On parle ici d'enfants qui interagissent avec l'éducatrice, qui sont intéressés par les apprentissages, qui collaborent, bref, avec qui il est motivant d'enseigner, énumère M. Potvin avant de rappeler que la réussite éducative, ce n'est pas juste l'affaire de l'école. C'est aussi le défi des parents et de toute la communauté qui gravite autour des jeunes.