Un pied de nez à la Ville de Shawinigan

«On ne voulait plus faire d'affaires avec eux. Rendu là, ça ne valait plus lapeine d'avoir un commerce!» - Anabelle Lacombe, direction d'Aviation Mauricie.

La guerre commerciale que se livrent Bel Air Aviation et Aviation Mauricie prendra un nouvel envol cet été, au lac à la Tortue. Cette fois, les deux exploitants attireront les touristes sur des rives opposées.


Aviation Mauricie a tout simplement déménagé ses pénates au Musée de l'aviation, où elle s'établissait progressivement depuis deux ans.

 



Cette décision constitue une véritable pied de nez à la Ville de Shawinigan, qui conteste le droit de cette entreprise de défier le zonage municipal.

Le règlement ne permet effectivement aucune exploitation aéronautique au musée, mais Aviation Mauricie considère que les lois fédérales prévalent et que tout le lac doit être considéré comme une hydrobase. La Cour Suprême du Canada entendra cette délicate question à l'automne, dans des affaires similaires.

Pour Bel Air Aviation, ce transfert est pratiquement accueilli comme un soulagement. Une audition était fixée en janvier pour permettre à l'exploitant de la base de briser son bail avec Aviation Mauricie, qui se terminait le 31 décembre 2009.

Elle invoquait le non-respect de plusieurs conditions pour justifier cette expulsion. De son côté, le locataire dénonçait certaines clauses du bail qu'il jugeait abusives, principalement en ce qui concerne les coûts de location et l'approvisionnement en carburant.



«Ça n'avait plus d'allure», résume Anabelle Lacombe, directrice d'Aviation Mauricie. «On ne voulait plus faire d'affaires avec eux. Rendu là, ça ne valait plus la peine d'avoir un commerce!»

L'audition a finalement été annulée lorsque Aviation Mauricie a tout simplement décidé de concentrer toutes ses activités au musée. Elle abandonne non seulement son quai, mais aussi l'exploitation du restaurant des pilotes et de la boutique de souvenirs, qui lui étaient confiées.

Les deux parties ne veulent pas entrer dans les détails de cette «entente». Fred St-Onge fils, propriétaire de Bel Air Aviation, semble soulagé de la fin de cette difficile union.

«Nous, on ne peut pas demander mieux», soupire-t-il. «Tant qu'Aviation Mauricie n'est plus chez nous! Les gens ne pourront plus associer cette compagnie avec Bel Air Aviation. Nous perdons des revenus, mais ce n'est pas grave.»

Année difficile

Après un hiver très tranquille, Mme Lacombe s'attend à une baisse marquée du nombre de vols d'hydravions touristiques cet été et à l'automne, en raison de la crise économique mondiale.



«Nous nous attendons à recevoir environ la moitié du nombre de visiteurs habituel», estime-t-elle. «Nous parlons avec les agences de voyage et ça n'augure pas très bien. Tout est au ralenti. La demande est plus dans le nord et c'est pourquoi nous voulons y envoyer des appareils.»

Déjà, la météo capricieuse et la hausse vertigineuse du prix du carburant avaient éliminé les bénéfices en 2008.

«Nous avons dû réinjecter 200 000 $ dans la compagnie», fait remarquer Mme Lacombe. «Ce fut notre première année déficitaire. Ça a été vraiment pourri, même à l'automne.»

M. St-Onge ne sait pas trop à quoi s'attendre sur le lac avec son compétiteur déménagé en face, mais il convient que 2009 s'annonce assez difficile sur le plan touristique.

«On va sûrement avoir moins de visiteurs», prédit-il. «Ça va diminuer la circulation sur le lac!»

Toujours rien à Transports Canada

Ce n'est toujours pas demain la veille que Transports Canada annoncera sa décision dans le dossier des vols touristiques au lac à la Tortue. Les riverains se dirigent-ils vers une autre année sans restriction pour les exploitants?

Kim Hogan, directrice des communications pour le Québec chez Transports Canada, précise même que le ministre, John Baird, n'a toujours pas reçu les recommandations du Comité de réglementation de l'aviation civile. Il est donc loin de pouvoir statuer sur les mesures à prendre!



Rappelons que ce processus de détermination de l'intérêt public pour les vols touristiques au lac à la Tortue avait été annoncé en novembre 2007. Une décision était attendue à l'été 2008 dans ce dossier.

Claude Gélinas, porte-parole de la Coalition contre le bruit, craint que le gouvernement fédéral passe encore son tour en 2009.

Au cours des derniers mois, il a multiplié les questions à Transports Canada et au député Jean-Yves Laforest. Il a aussi demandé aux conseils municipaux de Shawinigan et de Hérouxville d'accentuer la pression sur le gouvernement avec l'adoption de nouvelles résolutions. Mais rien ne bouge.

«Transports Canada aurait encore des raisons de reporter sa décision», avance M. Gélinas. «On pourrait nous dire que l'été arrive, qu'on n'a pas eu le temps d'aviser les parties avant la saison et que les activités touristiques sont déjà réservées. Ça peut être un prétexte pour reporter la décision d'une autre année. Le ministère n'a pas trop l'air de respecter son processus! Tous les éléments sont connus, il ne reste qu'à rendre une décision!»

Rappelons que dans un rapport intérimaire déposé l'an dernier, le Comité sur le bruit proposait une série de mesures d'atténuations pour améliorer la cohabitation entre les hydravions et les riverains. Autant les dirigeants d'entreprise que les citoyens s'étaient montrés peu enthousiastes devant ces suggestions.

«Les gens sont écoeurés», résume M. Gélinas. «On a beau interpeller Transports Canada, ce n'est pas facile à faire bouger. L'intérêt des citoyens est assez loin de leurs préoccupations.»