Le monde municipal lance un ultimatum

Les écocentres de la région, dont celui de la rue Charbonneau où les citoyens apportent des bacs de peinture et des résidus domestiques dangereux, pourraient être fermés.

Réunis en début de semaine, les maires et les directeurs généraux des municipalités membres de la Régie de gestion des matières résiduelles de la Mauricie ont rejeté unanimement la proposition de la ministre Line Beauchamp qui leur demande d'utiliser leurs ristournes d'Éco Entreprise Québec pour sauver Récupération Mauricie.


Pierre Bouchard, président de la Régie de gestion des matières résiduelles de la Mauricie (à l'avant-plan) en compagnie de son directeur général, Robert Comeau.

Conformément à la loi 102, cet argent, rappelons-le, est récolté auprès des entreprises qui génèrent des emballages recyclables. Il est ensuite remis à Recyc-Québec puis distribué aux municipalités qui participent à un programme de recyclage. En Mauricie, les municipalités recevront l'été prochain les ristournes de 2007 au montant total de 1,2 million $.

 

Or, explique le président de la Régie, Pierre Bouchard, la réunion de mardi a permis d'apprendre que la majorité des municipalités de la région ont déjà budgétisé cet argent pour 2009. «On ne peut pas retourner dans le compte de taxes», explique-t-il.

Le président ajoute que les municipalités n'ont pas d'argent, n'ont pas le droit de faire de déficit et n'entendent pas aller piger encore plus dans la poche des citoyens. «On n'est pas dans un contexte financier, présentement, pour dire au monde: vous devriez payer plus cher», fait-il valoir.

Pierre Bouchard lance donc un ultimatum à la ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs: «Ou bien la ministre nous aide, ou bien on va devoir prendre des positions difficiles», prévient-il.

Les écocentres en danger

En clair, explique-t-il, c'est que si aucune aide directe n'arrive de Québec, la Régie devra sabrer dans certains services directs aux citoyens.

Pierre Bouchard a toujours martelé qu'il n'était pas question de cesser la collecte sélective et le tri. À ce chapitre, il a été appuyé par les élus, mardi.

«C'est un service public», fait-il valoir.

Toutefois, si la ministre ne donne pas d'aide directe, ce sont malheureusement des services comme les écocentres de la région qui pourraient écoper, de même que les écocentres mobiles qui effectuent 15 sorties par année en milieu rural ainsi que la collecte des résidus domestiques dangereux et les efforts d'éducation populaire.

Il en coûte actuellement 4,3 millions $ par année pour la récupération en Mauricie, soit 175 $ la tonne, explique M. Bouchard. Ce montant comprend tous les services (collecte, tri, transport, RDD, publicité, écocentres et écocentres mobiles).

«Ça va faire mal» aux bonnes habitudes prises au fil des ans par les citoyens, dit-il.

La Régie se donne jusqu'à la fin du mois pour connaître la réaction de la ministre, précise le président, après quoi elle agira.

Un document a aussi été envoyé à l'Union des municipalités du Québec et à la Fédération québécoise des municipalités qui avaient toutes deux félicité la ministre Beauchamp pour les mesures annoncées à la fin de janvier. «On a été très déçu et ça a été de façon unanime», explique M. Bouchard. «Ils n'ont pas la même lecture que nous avons en Mauricie.»

De son côté, le député de Maskinongé, Jean-Paul Diamond, est en train de monter un comité de suivi afin de s'assurer que ce dossier, ainsi que le projet d'usine de valorisation des emballages Tetrapak de Récupération Mauricie, puissent cheminer adéquatement.

En pleine situation de crise

C'est un secret de Polichinelle que les frustrations de la Régie de gestion des matières résiduelles de la Mauricie à l'égard du ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs sont nombreuses par les temps qui courent.

Or, ces frustrations se sont aggravées, il y a quelques semaines au moment où le centre de tri de Récupération Mauricie, à Saint-Étienne-des-Grès, croulait sous une abondance inhabituelle de matières récupérées (à cause de la période des Fêtes et de l'effondrement des prix sur les marchés mondiaux).

L'organisme a en effet reçu la visite d'une inspectrice du ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs qui s'est présentée pour donner une amende.

C'est de justesse que l'organisme a évité cette pénalité pour avoir placé des matières récupérées en ballots à l'arrière de son bâtiment. Ce phénomène se passait alors que tous les centres de tri du Québec étaient en pleine crise et ne savaient plus quoi faire des tonnes de matières récupérées qui arrivaient dans leurs installations par camion chaque jour.

«Pour elle, on plaçait des déchets à l'extérieur. On mettait là des déchets qui auraient dû aller dans la zone d'enfouissement», raconte le directeur général de la Régie, Robert Comeau qui n'en revient toujours pas.

Le président de la Régie, Pierre Bouchard, se questionne sur l'attitude du MDDEP lorsqu'il compare le traitement qu'il réserve aux entreprises privées par rapport à celui que subit le milieu municipal sur lequel, selon lui, le ministère «tapoche.»

Il illustre ses propos en citant notamment le cas Compostage Mauricie à Saint-Luc-de-Vincennes. Si cette situation avait été causée par une municipalité, dit-il, il est clair que les choses ne se seraient pas passées de la même manière ni dans les mêmes délais.

«Dans le privé, on s'en sort mieux parce qu'on est moins vérifié», déplore-t-il.

Récupération Mauricie a réussi, depuis, à vider son entrepôt en vendant ses matières à perte.