Sur le conflit au Proche-Orient, l'anesthésiste qui pratique au Centre hospitalier régional de Trois-Rivières en aurait long à dire. Fils d'un couple de Palestiniens contraint à la fuite vers le Liban lors de la création de l'État d'Israël à la fin des années 40, il se sent concerné par cette crise de par ses origines, mais également «par fidélité à [ses] parents et aux souffrances qu'ils ont subies».
M. Renno l'affirme sans détour: pour lui, Israël est un agresseur. «Ce n'est pas une guerre, c'est une attaque israélienne contre une population désarmée. Comme humain, je trouve ça inhumain. Je suis en train d'assister comme tout le monde à la naissance d'un autre cycle de violence», se désole-t-il.
Selon lui, l'offensive menée au cours des derniers jours par Tsahal affaiblira peut-être le Hamas, mais elle sera loin de régler le problème à long terme. Bien au contraire, croit-il. «Je me demande pourquoi les Israéliens font cette fuite en avant. Ils s'enfoncent dans la violence quand ils savent très bien qu'il n'y aura pas de paix pour eux tant qu'il n'y aura pas d'espoir pour les Palestiniens», considère-t-il.
De même, il accuse Israël de tout faire pour garder les Gazaouis dans la misère en bouclant le petit territoire. «C'est une voie désertique où on ne peut même pas faire pousser une carotte. On leur impose ces conditions-là pour faire plier leur résistance et les jeter dans le désespoir. La réponse de ces personnes est de résister comme elles peuvent», croit-il.
Parmi les moyens qu'elles ont trouvés, il y a les tirs de roquettes sur Israël, dont la riposte entreprise au cours des derniers jours est exagérée, estime M. Renno. «Les roquettes des Palestiniens ne sont que des pétards qui font beaucoup plus de bruit que de mal. La solution que les Israéliens ont choisie est d'écraser les gens encore davantage. Ça va retarder l'échéance d'un mois, six mois, un an, et on va recommencer à zéro. Ceux qui auront perdu toute leur famille se diront «je vais leur en faire voir!», ils vont se mettre une ceinture d'explosifs et aller dans un café à Tel-Aviv, et là, tout le monde va pousser des hauts cris...»
M. Renno semble en vouloir à l'État hébreu, mais il n'est pas tendre non plus à l'égard des médias occidentaux, qu'il accuse de se ranger sans se poser de questions du côté d'Israël. «Il y a une tradition pro-israélienne qui est ancrée en Occident depuis la Seconde Guerre mondiale. Il est trop commode de suivre le courant et d'être du côté des forts. De plus, les médias représentent les Palestiniens comme s'ils étaient des agresseurs, des poseurs de bombes, et pour couronner le tout, des terroristes. Pour démêler tout ça, ça prend un diplômé en sciences politiques», ironise-t-il.
Par exemple, depuis le début de l'offensive israélienne, affirme-t-il, les journalistes rapportent que la trêve signée en juin dernier a été brisée par le Hamas. Or, ce n'est pas le cas, maintient M. Renno. «Elle a été brisée par les Israéliens le 4 novembre 2008, quand ils ont bombardé la bande de Gaza. Il y a un proverbe qui dit qu'il n'y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Malheureusement, nos médias ne veulent pas entendre.»
Y a-t-il une solution à ce conflit qui dure depuis plusieurs décennies? Pour Ibrahim Renno, tout est déjà là, mais il ne manque que la volonté. «Ça passe par l'application des résolutions des Nations Unies. Primo: la création d'un vrai État palestinien en Cisjordanie et à Gaza. Deuxièmement, le démantèlement de toutes les colonies de peuplement juif en Cisjordanie. Troisièmement, le retour ou la compensation de tous les réfugiés palestiniens de 1948», tranche-t-il.
En attendant, l'avenir ne semble près très rose au Proche-Orient. «Je vous garantis que les Israéliens vont écraser le Hamas militairement et vont faire de 1000 à 1500 victimes palestiniennes, sans parler des blessés et des estropiés, puis vont se retirer. Quelques mois plus tard, les bombes vont commencer à exploser en Israël et dans tout le monde occidental. Et on recommence!»