Les promesses creuses et les plans imprécis ont laissé leur place à la mobilisation, à la création d'outils et à la volonté d'agir. L'annonce de la fermeture de la Belgo a créé un électrochoc chez les intervenants économiques de la communauté.
Depuis un an, l'administration municipale et le Centre local de développement font des efforts particuliers pour faire ressortir les réussites entrepreneuriales de Shawinigan. Du reste, le Gala Distinction Desjardins de la Chambre de commerce et d'industrie est devenu une thérapie collective des bons coups réalisés par les PME du territoire.
«C'est vrai que la fermeture de la Belgo fait mal sur le plan économique, sur le plan émotif, sur le plan familial», convient la mairesse, Lise Landry. «Mais au cours de la dernière année, nous avons aussi assisté à la croissance de plusieurs PME.»
«Notre stratégie de développement économique a changé», convient Gaétan Béchard, directeur général de la Ville de Shawinigan. «Les grandes entreprises se déplacent où la masse salariale est basse et où les coûts d'énergie sont bas. Nous, on veut créer de la valeur ajoutée.»
L'électrochoc a aussi incité tous les intervenants économiques du territoire à faire tomber les cloisons. «Nous avons assisté à un resserrement du dialogue entre les intervenants du milieu», convient la mairesse.
Grosse année
Au Centre local de développement, il est déjà acquis que le bilan 2008 soufflera complètement celui de l'année précédente.
Jusqu'ici, l'organisme a injecté 1,949 million $ dans des PME, un levier qui a entraîné des investissements totaux de 26,3 millions $ à Shawinigan. Cette contribution a permis la création de 321 emplois et la consolidation de 1199 autres.
La voie est tracée vers la création de 1500 emplois en 900 jours, un défi ambitieux lancé par la Ville et le CLD le 3 décembre 2007.
«Nos contributions surpasseront sans doute 2 millions $ en 2008», précise Yvon Lessard, directeur général par intérim du CLD. «On n'est pas peu fiers de ça!»
Le Fonds de soutien au développement économique de Shawinigan, annoncé quelques jours après le choc de la Belgo, a été fortement sollicité.
La Ville a injecté 450 000 $ dans cette caisse et le CLD a ajouté une contribution de 75 000 $ au début de l'année.
Or, en incluant la fin de 2007, pas moins de 480 000 $ ont déjà été attribués en subvention via cet outil.
La Ville s'est engagée à maintenir un solde de 300 000 $ dans ce fonds au début de chaque année. En mai, le CLD a hérité d'un chèque de 1,3 million $ de Rio Tinto Alcan dans le cadre de son programme de diversification industrielle.
Rappelons que Shawinigan a aussi reçu une enveloppe de 300 000 $ provenant du ministère des Affaires municipales et des Régions pour appuyer les démarches de diversification.
Pour sa part, le ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation avait réservé un montant de 750 000 $ à la Ville, toujours avec le même objectif. Du côté fédéral, Développement économique Canada avait débloqué 1,2 million $ pour Shawinigan. Jusqu'ici, des aides de 220 000 $ (Fonds LaPrade) et de 85 500 $ (Elmec) ont été attribuées.
Par contre, une ou plusieurs annonces totalisant des contributions fédérales de plus de 250 000 $ sont attendues au cours des trois prochains mois. La valeur totale de ces projets est estimée à près de 2,3 millions $.
Shawinigan possède donc plus que jamais les moyens de se sortir de cette dure épreuve, qui a sonné toute la Mauricie, rappelle M. Béchard.
«Limiter les malheurs de cette fermeture à Shawinigan, c'est avoir une mauvaise lecture de la situation», souligne-t-il.
Les demandes de la Ville et les résultats
1) Un fonds de soutien et de transition pour les travailleursRésultat: Le soutien est arrivé rapidement avec le comité d'aide au reclassement. Québec a défrayé les coûts de cette mesure, à laquelle 378 ex-employés ont fait appel. En ce qui concerne le fonds de transition, les syndicats auraient apprécié une mesure comme l'ex-programme d'aide aux travailleurs âgés, mais Ottawa n'y a pas donné de suite.
2) Des négociations avec AbitibiBowater afin d'envisager toutes les solutions possibles dans le but d'assurer une poursuite des activités sur le site de la Belgo.
Résultat: La Ville et le syndicat ont rapidement compris que la compagnie n'avait aucune intention de reprendre une activité industrielle. La Ville et le CLD négocient toutefois avec des investisseurs potentiels intéressés à s'établir sur ce site.
3) Un fonds de modernisation pour le traitement thermomécanique de la pâte à l'usine Laurentide
Résultat: Les difficultés financières d'AbitibiBowater rendent improbables un investissement de plus de 200 millions $ à court terme. À l'assemblée générale des actionnaires au printemps, la haute direction assurait toutefois que ce scénario était toujours étudié.
4) Des mesures permettant la réduction du coût de la fibre pour Laurentide
Résultat: Sans doute le plus grand succès obtenu. Le gouvernement du Québec a accordé une mesure spéciale pour garantir un approvisionnement à 0,85 $ le mètre cube pendant cinq ans, une aide estimée à 25 M$.
5) Des coûts d'énergie compétitifs pour l'usine Laurentide pour améliorer sa compétitivité et celle de l'industrie québécoise des pâtes et papiers.
Résultat: En ce qui concerne l'énergie, le gouvernement répète que l'approvisionnement ne constitue pas un problème au Québec. Aucun avantage particulier n'est consenti à Laurentide sur ce plan.
6) Un bloc patrimonial d'énergie à prix compétitif réservé pour le développement économique, en reconnaissance du rôle unique et historique de Shawinigan dans le développement de l'industrie hydro-électrique du Québec.
Résultat: Une très mince ouverture du gouvernement sur ce principe. En octobre, la ministre régionale, Julie Boulet, mentionnait que le bloc d'énergie patrimonial était toujours étudié à Québec.
7) Des redevances sur la production d'énergie dans les centrales de Shawinigan pour créer un fonds de diversification industrielle.
Résultat: Malgré les pressions du milieu, particulièrement celles du député Robert Deschamps, le gouvernement actuel a pratiquement fermé la porte à ce principe. Au cours de la présente campagne électorale, l'ADQ fait des redevances un fait saillant de sa plate-forme, tandis que le PQ songerait à une formule de péréquation entre les régions.
8) Le maintien des avantages dévolus aux régions ressources
Résultat: Un net recul. Dans le dernier budget, le gouvernement a décidé de mettre fin au crédit d'impôt sur l'augmentation de la masse salariale pour le remplacer par un crédit d'impôt sur l'investissement qui s'applique à toutes les régions, à des degrés différents. Le crédit d'impôt sur l'augmentation de la masse salariale prend fin le 31 décembre 2010, mais les entreprises de la région ne peuvent plus formuler de demande depuis le 31 mars dernier.
9) Le versement d'un million de dollars par le gouvernement du Québec, AbitibiBowater et le gouvernement fédéral au Fonds de soutien au développement économique de Shawinigan.
Résultat: Un gros zéro. Endettée jusqu'au cou, AbitibiBowater a rapidement fait savoir qu'elle n'injecterait pas une telle somme. De leur côté, Québec et Ottawa ont annoncé respectivement des aides financières de 1 050 000$ et de 1 200 000$, à partir de programmes déjà établis. Le gouvernement provincial avait aussi prévu jusqu'à cinq millions $ pour accompagner les travailleurs vers d'autres emplois en Mauricie, une mesure qui n'était toutefois pas réservée aux employés de la Belgo.