Deux classes non-mixtes à l'école primaire

Le directeur de l'école primaire de Louiseville, Mario Tessier, rappelle que les gars et les filles jouent au ballon comme ils apprennent les mathématiques, c'est-à-dire différemment. Avec la collaboration des enseignantes de 6e année, dont Claudette Caron, il a eu l'idée de mettre sur pied deux classes non mixtes.

Bien décidée à réduire l'écart de réussite observée entre les filles et les garçons, l'école primaire de Louiseville a décidé de jouer d'audace. Depuis septembre, les 51 élèves de 6e année sont séparés dans deux classes. Les filles dans l'une, les gars dans l'autre. Aux grands maux les grands moyens. Terminée la mixité.


Retour en arrière? Le directeur de l'établissement, Mario Tessier, est davantage convaincu que le statu quo n'est plus possible. Une fois qu'on a répété tous les stéréotypes entourant la moins bonne réussite des garçons, il faut agir.

 



Partant du principe que les filles et les garçons apprennent différemment, deux enseignantes ont accepté de plonger dans cette aventure somme toute originale, pour ne pas dire unique dans le réseau public de l'éducation. Dans la région du moins.

Depuis septembre, Claudette Caron accueille dans sa classe 27 garçons alors que sa collègue, Marielle Sicard, enseigne aux 24 filles.

M. Tessier, qui aime s'exprimer en images, n'hésite pas à raconter que l'atmosphère de travail qui règne dans la classe des filles se compare à l'ambiance qui prévaut dans... une église. «Les filles sont plus structurées, mieux organisées. Elles en redemandent», dit-il en parlant des apprentissages qui leur sont proposés. «Depuis deux mois, je n'ai pas mis une minute de services complémentaires dans cette classe. L'effet de groupe est très positif», se réjouit M. Tessier.

Pour ce qui est des garçons, le directeur donne l'exemple d'une équipe de hockey dont les joueurs apprennent actuellement à patiner à l'intérieur des bandes et, surtout, avec intensité. Pour M. Tessier, tout est une question d'entraînement. Lentement mais sûrement, le goût de l'effort et le sens de la rigueur sont en train de l'emporter sur l'indiscipline qui a pu être observée en début de match, c'est-à-dire durant les premières semaines de la présente année scolaire.



Mme Caron est visiblement fière de ses élèves de la gent masculine. Celle qui avoue avoir en elle un «petit côté masculin» se sent parfaitement à l'aise avec ces jeunes qui apprennent dans l'action.

«Ça tombe bien, j'ai toujours eu besoin que ça bouge dans ma classe. Même mixte!» précise l'enseignante. Récemment, elle demandait à ses gars de planifier la construction d'un skate park. Toutes les idées sont bonnes pour les intéresser aux mathématiques. Du moment qu'on respecte leurs intérêts.

Mme Caron et M. Tessier ne peuvent s'empêcher de sourire. Pendant que les filles, sauf exception, complètent sagement leurs feuilles d'exercices, les gars ont été invités à se rendre dans la cour de récréation avec leurs plans, devis et mètres à mesurer. De retour en classe, ils ont calculé l'implication financière des partenaires dans ce projet virtuel.

Le directeur a cependant pu constater que la motivation des garçons à apprendre de cette façon est, quant à elle, bien réelle.

«Mes élèves me disent qu'ils se sentent plus à l'aise de poser des questions sans la présence des filles dans la classe», raconte leur enseignante. Ça tombe bien. M. Tessier rétorque que les filles ont également exprimé qu'elles préféraient se retrouver entre elles pour étudier.

Le directeur de l'école primaire de Louiseville est parfaitement conscient que cette décision de mettre en place des classes non mixtes ne fait pas l'unanimité dans le monde de l'éducation. Des courants de pensées s'affrontent, notamment sur la question de la socialisation des élèves ainsi séparés.



M. Tessier rappelle que les participants ont plusieurs fois l'occasion de socialiser, que ce soit à la récréation ou durant les cours optionnels.

Heureux de pouvoir compter sur l'appui des parents, il indique qu'au terme de la présente année scolaire, un bilan permettra de savoir si l'expérience se poursuivra ou non. M. Tessier est cependant persuadé de la nécessité de revoir des façons de faire, et ce, pour la réussite du plus grand nombre de garçons.