«Si on avait apporté des mesures pour corriger chacune des causes (de l'accident), cet accident n'aurait pas eu lieu», note Denis Marchand, inspecteur pour la CSST.
Une mort d'autant plus inexplicable que des travaux avaient été menés sur cette même machine par des mécaniciens de l'usine au cours de la journée. Des travaux planifiés, supervisés et associés à une procédure de travail sécuritaire. «Rien de tout ça n'a été fait pour les travaux du sous-traitant», mentionne M. Marchand.
Olivier Lefebvre, propriétaire de l'entreprise Mécanoli, s'est rendu à l'usine Laurentide pour procéder à des travaux d'optimisation sur des convoyeurs de la machine à papier no 11. Pour ce faire, il entre dans la machine. Il n'est donc pas visible de l'extérieur. L'extrémité du convoyeur sur lequel il travaille n'est situé qu'à 30 cm de la pince de calandrage. Cette pince, qui forme un angle rentrant, est en fait le terme employé pour désigner l'espace entre deux rouleaux d'un diamètre d'un peu plus d'un mètre. Lors de l'accident, la vitesse de rotation des deux rouleaux est d'environ 1074 mètres par minute et l'espace entre les deux est ajusté à 5 cm d'ouverture, ce qui constitue un angle rentrant «redoutable», selon la CSST.
«Un angle rentrant, que ça soit formé par des rouleaux ou un rouleau et une courroie, une fois qu'on est pris là-dedans, c'est une zone d'entraînement et c'est très difficile de se déprendre», explique M. Marchand.
Devant cette pince se trouve une barrière qui sert d'abord et avant tout à empêcher la projection de particules. Des ouvertures dans la barrière permettent d'ailleurs aux travailleurs de circuler librement. Entre la barrière et le rouleau de la calandre, il y a un espace de seulement 60 centimètres.
Le 20 mai, cette machine à papier est arrêtée depuis la matinée pour des travaux d'inspection. M. Lefebvre commence ses premières vérifications sur les convoyeurs en marche en soirée. Avant d'amorcer son travail, il cadenasse le convoyeur mobile sur lequel il travaille comme l'exige la réglementation de l'usine.
Vers 20h, en prévision du redémarrage de la machine à papier, l'aide-conducteur (opérateur) s'apprête à démarrer les calandres (les rouleaux), lorsqu'il voit passer des bandes tests de papier, ce qui lui fait réaliser que quelqu'un se trouve dans la machine. Comme ces travaux n'avaient pas été planifiés, la plupart des employés ignoraient la présence du sous-traitant. «J'ai de la misère à comprendre comment l'aide-conducteur n'est pas au courant que quelqu'un travaille à l'intérieur. On va repartir des équipements sans savoir où est le travailleur, ce qu'il fait et où il intervient. Si on ne voit pas des bandes tests passer, on n'a aucune idée où est le travailleur», déplore M. Marchand. L'opérateur met en fonction les calandres après en avoir averti M. Lefebvre.
La machine à papier est redémarrée vers 23h. L'aide-conducteur s'aperçoit alors que le convoyeur est cadenassé. Il s'agit du cadenas de M. Lefebvre. Personne ne sait où il se trouve. Il n'est retrouvé qu'à minuit, coincé dans la pince de calandrage. Pour une raison inconnue, son bras gauche s'est retrouvé entraîné entre les deux rouleaux, un espace de 5 cm. Son décès n'a pu qu'être constaté. L'accident se serait produit vers 21h05.