
Le métier de caricaturiste ou l’art de décrocher un sourire
Au Nouvelliste, cette tâche qui consiste à créer grosso modo près de 300 caricatures par année, c’est au caricaturiste Jean Isabelle qu’elle est confiée depuis plus de 25 ans.
«Ironiquement, je n’ai jamais passé d’entrevue pour être engagé au Nouvelliste. C’est le père d’un de mes amis qui jouait au tennis avec Anthony Delatri et comme la retraite approchait pour lui, je suis allé le rencontrer pour voir comment il travaillait et lui parler du métier. J’ai apporté quelques dessins la semaine suivante au rédacteur en chef de l’époque, soit le mardi et il m’a rappelé le jeudi pour me dire qu’on publiait ma première caricature le lendemain», se souvient-il.

Depuis, jour après jour, Jean Isabelle se lève le matin et doit pondre une caricature par jour en lien avec l’actualité régionale, si des sujets s’y portent, ou encore sur des sujets nationaux d’envergure. Un travail qu’il effectue avec autant de passion qu’à ses débuts.
«En général, mon travail est quand même routinier. Par exemple, le matin, je lis le journal et j’écoute les nouvelles à la télé. Des fois, je vais commencer à crayonner le matin, mais comme j’aime être à l’affût de l’actualité, des fois, je vais attendre en après-midi ou après les nouvelles du midi pour commencer. Et quand ça ne marche pas et que je n’ai pas d’inspiration, je fais autre chose et à un moment donné, une lumière s’allume. Mais c’est sûr que plus tu es informé et plus tu as du bagage dans la vie, plus c’est facile de faire une caricature. Mais ça peut quand même arriver, comme c’est parfois le cas l’été quand il y a moins de nouvelles, de trouver des idées. Je finis toujours par tricoter quelque chose quand même, mais ça reste un défi.»
Un métier en évolution
On s’en doute, au fil des 100 ans d’histoire du quotidien régional, le métier a évidemment évolué, notamment avec l’arrivée des nouvelles technologies. Ainsi, si le travail se faisait principalement au crayon de plomb et ensuite à l’encre il y a de cela plusieurs années, les nouvelles technologies permettent désormais d’avoir plus de latitude afin d’y apporter des détails supplémentaires et même de la couleur, chose qui était plutôt rare à l’époque.

Toutefois, pour le caricaturiste de métier, Jean Isabelle, bien qu’il utilise désormais la technologie pour finaliser ses oeuvres, les outils traditionnels de tout bon caricaturiste, soit le bon vieux papier et le crayon de plomb, restent des incontournables pour lui.
«Je commence toujours avec le carton et le crayon puisque c’est dans mon ADN. Et maintenant avec la magie de l’ordinateur, je numérise le tout et je peux retravailler mes dessins et mettre de la couleur.»
Un art en soi
Bien connaître l’actualité et avoir des aptitudes en dessin est une chose, mais cela ne veut pas nécessairement dire qu’une caricature sera percutante. Selon Jean Isabelle, quelques éléments permettent en effet de distinguer une bonne caricature d’une moins bonne.

«Il faut tout d’abord que le dessin parle en premier. Si tu réussis à faire une bonne caricature et que les gens comprennent sans qu’il n’y ait de texte, c’est le summum. Mais souvent, les gens ne sont pas au courant de toutes les nouvelles, donc il faut parfois mettre une petite phrase pour mettre en contexte l’événement, mais il faut que ça soit court», précise-t-il.
Sans oublier que le style que choisit le caricaturiste permet également de distinguer ses oeuvres de ses concurrents. D’ailleurs, Jean Isabelle ne s’en cache pas, à ses débuts, il n’avait pas réellement de style propre à lui. Chose toutefois qui a passablement changé avec le temps, lui qui estime désormais être un caricaturiste assez réaliste avec un style qui se rapproche beaucoup de la bande dessinée.
Mais détrompez-vous, ce n’est pas parce qu’il est un artiste que tous les sujets l’inspirent et qui se prêtent à la création d’une caricature, bien au contraire.

«Je lis beaucoup de nouvelles pour m’inspirer, mais il arrive que je saute certaines d’entre elles, car il n’y a pas de matériel pour en faire une caricature. Par exemple, dans le cas des catastrophes, surtout quand elles sont régionales, c’est plus sensible comme sujet», explique-t-il.
D’autres sujets comme la politique qui sont plus propices à la caricature permettent cependant à l’artiste de bien s’amuser au quotidien, au plus grand bonheur des lecteurs. D’ailleurs, le caricaturiste a eu à de nombreuses reprises au cours de sa carrière des «têtes de Turc» comme il aime bien les appeler qu’il appréciait tout particulièrement dessiner.
«À l’époque, il y avait Jean Chrétien et Jean Charest que j’aimais bien faire, mais un que j’adorais encore plus faire, car il était très facile à dessiner, c’est le Doc Mailloux. Mais je dois dire aussi que l’ancien maire Yves Lévesque était intéressant à faire, car avec sa personnalité, je savais que je pouvais aller plus loin», conclut-il.

Capsule Jean Isabelle
On s’en doute, après plus de 25 ans de carrière, Jean Isabelle a quelques milliers de caricatures à son actif. Malgré la délicate tâche qui lui a été confiée de cibler les caricatures coups de coeur de sa carrière, il s’est toutefois prêté au jeu volontiers. Voici sa sélection.
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Anthony Delatri
De 1967 à 1993, Anthony Delatri a été le caricaturiste attitré au Nouvelliste. C’est son style, proche du cartoon américain, qui a notamment séduit le quotidien. Il aura entre autres réalisé quelque 8000 caricatures, relatant ainsi plus d’un quart de siècle d’actualités au sein du quotidien régional. Le caricaturiste vedette s’est toutefois éteint à l’âge de 97 ans, le 30 décembre 2019. Voici quelques-unes de ses caricatures publiées dans le Nouvelliste au cours de sa carrière.

